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Ordonnance n° 88-087/PR tendant à faciliter le redressement économique et financier de certaines entreprises.

رئيس الجمهورية، رئيس الحكومة

VU les lois constitutionnelles nos LR/77-001 et LR/77-002 du 27 juin 1977 ; 

SUR rapport du garde des sceaux, ministre de la Justice et des Affaires musulmanes ; 

Adoptée par le Conseil des Ministres en sa séance du 25 octobre 1988. 

 

ORDONNE

Article 1er: Il est institué une procédure de suspension provisoire des poursuites et d’apurement collectif du passif pour les entreprises en situation financière difficile, mais non irrémédiablement compromise, dont la disparition serait de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale et pourrait être évitée dans des conditions compatibles avec l’intérêt des créanciers. 

 

TITRE I 

Ouverture de la procédure 

 

PARAGRAPHE I Saisine du tribunal 

 

Article 2: Le tribunal compétent est le Tribunal de Commerce de Djibouti. 

 

Article 3: Le tribunal est saisi par le débiteur, par un créancier ou un groupe de créanciers ou par le procureur de la République, il peut également se saisir d’office. 

 

PARAGRAPHE I – Saisine par le débiteur

 

Article 4: La requête du débiteur expose sa situation économique et financière et présente les perspectives de redressement de l’entreprise et d’apurement du passif.

 

A cette requête sont jointes, outre, le bilan, le compte d’exploitation générale, le compte de pertes et profits ainsi que l’état des engagements hors bilan du dernier exercice, les pièces ci-après établies à la date de la déclaration : 

1 – un état de situation ;

2 – l’état des engagements hors bilan ;

3 – l’état chiffré des créances et des dettes d’un échéancier sommaire et d’un état actif et passif des sûretés. 

 

Tous documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le requérant.

Dans le cas où l’une ou l’autre des pièces ne peut être fournie ou ne peut l’être qu’incomplètement, la requête doit contenir l’indication des motifs qui empêchent cette production.

 

Article 5: Le président commet un juge pour lui faire rapport sur la situation économique et financière de l’entreprise et sur ses perspectives de redressement. 

Le juge commis dépose son rapport dans un délai qui ne peut excéder un mois.

 

Article 6: Le président du tribunal, dans les huit jours du dépôt du rapport, entend le débiteur en son cabinet et renvoie l’affaire devant le tribunal.

 

PARAGRAPHE II – Saisine par les créanciers

 

Article 7: Tout créancier ou groupe de créanciers représentant au moins 15 % du montant des créances, peut assigner le débiteur aux fins d’ouverture d’une procédure de suspension provisoire des poursuites.

En ce cas, il est procédé suivant les dispositions des articles 5 et 6. 

 

PARAGRAPHE III – Saisine d’office ou par le procureur de la République

 

Article 8: Lorsque le tribunal, d’office ou sur demande du procureur de la République, le débiteur entendu ou dûment appelé, estime que la situation de celui-ci est de nature à motiver l’ouverture d’une procédure d’apurement collectif du passif, il commet un juge pour lui faire rapport sur la situation économique et financière de l’entreprise et sur ses perspectives de redressement. Le rapport est déposé dans un délai de quinze jours maximum et examiné par le tribunal sous huitaine.

 

Article 9: Pour apprécier la situation du débiteur, le juge commis ou, le tribunal peut nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements bancaires ou financiers, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur. 

 

CHAPITRE II – Décision du tribunal sur l’ouverture de la procédure 

 

Article 10: Le tribunal statue en chambre du conseil, le débiteur entendu ou dûment appelé. 

S’il estime que la situation justifie l’ouverture de la procédure, il prononce la suspension provisoire des poursuites. 

S’il constate la cessation des paiements du débiteur, il prononce d’office la liquidation judiciaire ou la faillite. Il peut ordonner toute mesure urgente et demeure compétent pour statuer sur la tierce opposition formée contre ces décisions. 

 

 

TITRE II  

Suspension provisoire des poursuites

 

Article 11: La suspension provisoire des poursuites ne peut être prononcée que pour un délai n’excédant pas neuf mois, pouvant exceptionnellement être prolongé de trois mois. 

 

Article 12: A dater du jugement qui prononce la suspension provisoire des poursuites, le président du tribunal ou le juge qu’il désigne remplit les fonctions de juge-commissaire. 

Le tribunal nomme un ou plusieurs administrateurs aux biens du débiteur, assistés, le cas échéant, d’un ou plusieurs experts ; en cas de nécessité, le juge-commissaire peut ultérieurement désigner des experts. Le procureur de la République peut à toute époque de la procédure demander le remplacement d’un ou de plusieurs administrateurs.

 

Article 13: La mission et les pouvoirs du ou des administrateurs sont fixés par le tribunal qui peut les charger, ensemble ou séparément, soit de surveiller les opérations financières et commerciales, soit d’assister le débiteur, soit d’assurer provisoirement l’administration avec les pouvoirs qu’il détermine. 

A tout moment, le tribunal peut modifier la mission et les pouvoirs de l’administrateur, sur la demande de celui-ci, du procureur de la République ou d’office. 

 

Article 14: Pendant la période de suspension provisoire des poursuites, le débiteur assisté de l’administrateur ou l’administrateur s’il est chargé de l’administration provisoire ou si la mission lui en a été donnée par le tribunal, établit le plan de redressement économique et financier de l’entreprise assorti d’un plan d’apurement collectif du passif. 

A cet effet, le juge-commissaire peut, à la demande de l’administrateur ou d’office, obtenir, dans les conditions fixées à l’article 9, communication des renseignements prévus audit article. 

 

Article 15: Le jugement qui prononce la suspension provisoire des poursuites est publié dans le journal d’annonces légales et par affichage au tribunal et à la Chambre internationale de Commerce et d’Industrie de Djibouti. 

 

Article 16: Ce jugement suspend toute poursuite individuelle de la part des créanciers chirographaires ou de ceux dont les créances sont garanties par un privilège, un nantissement ou une hypothèque, y compris le Trésor national. 

Les intérêts légaux ou contractuels, ainsi que les intérêts de retard et majorations dus au Trésor national et aux organismes de sécurité et de prévoyances sociales, continuent à courir, mais ne sont pas exigibles. 

Les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance ou de résolution de droits sont également suspendus. 

 

Article 17: Le jugement qui prononce la suspension provisoire des poursuites interdit au débiteur de payer, en tout ou en partie, une créance quelconque née antérieurement à ce jugement, sauf autorisation motivée du juge-commissaire. Il lui interdit également de désintéresser les cautions qui, pendant la période de suspension provisoire des poursuites, acquitteraient des créances nées antérieurement. 

 

Article 18: Le débiteur ne peut, sauf autorisation motivée du juge-commissaire, faire aucun acte de disposition étranger à l’exploitation normale de l’entreprise, ni consentir aucune hypothèque ou nantissement. 

 

Article 19: Tout paiement ou tout acte fait en violation des articles 17 et 18, est nul. 

 

Article 20: Le ou les administrateurs signalent sans délai au juge-commissaire tout violation par le débiteur des dispositions des articles 17 et 18. 

 

Article 21: A tout moment, après examen de la situation financière du débiteur, le tribunal peut mettre fin à la suspension provisoire des poursuites ; cette décision est publiée dans les conditions prévues à l’article 15. 

S’il constate la cessation des paiements, il procède comme il est dit à l’article 10, alinéa 3, et l’administrateur lui rend ses comptes. En ce cas, la durée de la période de cessation des paiements prévue pour la liquidation judiciaire et la faillite est augmentée de la durée de la procédure de suspension provisoire des poursuites. 

 

Article 22: Les dispositions des articles 16 à 19 ne sont pas applicables aux créances des salariés. 

 

 

TITRE III 

Apurement collectif du passif 

 

Article 23: Un mois avant l’expiration du délai prévu à l’article 11, le débiteur assisté de l’administrateur ou l’administrateur seul dépose le plan de redressement économique et financier assorti du plan d’apurement collectif du passif au greffe du tribunal et en remet un exemplaire au juge-commissaire pour être soumis, avec les observations de ce magistrat, au tribunal. 

Tout intéressé peut prendre connaissance de ce plan au greffe. 

 

Article 24: Le tribunal statue, au plus tôt, quinze jours après le dépôt du plan et au plus tard, avant l’expiration du délai prévu à l’article 11.

Le jugement est exécutoire par provision. 

 

Article 25: Peuvent seules intervenir à l’instance, les créanciers ou groupes de créanciers représentants au moins 15 % du montant des créances. 

 

Article 26: Le dépôt du plan par le débiteur vaut engagement de sa part d’exécuter les obligations que ce plan met à sa charge, s’il est admis par le tribunal. 

Si le plan est déposé par l’administrateur, le débiteur doit dire s’il prend cet engagement. 

 

Article 27: Le plan d’apurement du passif ne doit pas s’étendre sur plus de trois ans ; il fait état des remises ou délais éventuellement accordés par les créanciers ; il peut prévoir des délais de paiement n’excédant pas trois ans. 

Les salariés ne peuvent se voir opposer aucun délai, sauf décisions individuelles spécialement motivées du tribunal. 

 

Article 28: Le tribunal admet le plan proposé s’il le juge sérieux et s’il estime qu’il offre des garanties suffisantes d’exécution. Il donne acte, s’il y a lieu, des remises ou délais accordés par les créanciers. Il statue sur les délais sollicités qui ne peuvent excéder trois ans. Il nomme un commissaire à l’exécution du plan. 

 

Article 29: Si le débiteur ne prend pas l’engagement d’exécuter le plan proposé par l’administrateur et si le débiteur ne propose aucune autre solution pour le redressement de l’entreprise, jugée acceptable par le tribunal, celui-ci met fin à la suspension provisoire des poursuites. 

 

Article 30: La prescription demeure suspendue à l’égard des créanciers qui, par effet du plan d’apurement, ne peuvent exercer leurs droits ou actions. 

 

Article 31: Si le tribunal rejette le plan et s’il constate la cessation des paiements, il procède comme il est dit à l’article 10, alinéa 3. En ce cas, l’administrateur rend ses comptes et le tribunal peut augmenter la durée de la période de cessation des paiements, du délai écoulé depuis le jugement prononçant la suspension provisoire des poursuites. 

 

Article 32: Lorsqu’il estime que la survie de l’entreprise le requiert, le tribunal, sur demande du procureur de la République ou d’office, peut, par décision motivée, prescrire, à peine de caducité du plan, le remplacement d’un ou plusieurs dirigeants sociaux ou la cession par ces personnes de tout ou partie de leurs parts ou actions ou l’une et l’autre de ces mesures dans le délai qu’il fixe ; les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil sont applicables à la cession des droits sociaux. Lors de l’admission du plan, le tribunal peut, selon les mêmes conditions, décider que le droit de vote attaché à tout ou partie des parts ou actions détenues par ces dirigeants sera exercé, pour une durée qu’il détermine, par un mandataire de justice désigné à cet effet. Pour l’application des dispositions du présent article, les dirigeants sociaux sont entendus ou dûment appelés. 

 

Article 33: Les jugements pris en applications des articles 28, 29, 31 et 32 sont publiés comme il est dit à l’article 15. 

 

Article 34: Le jugement acceptant le plan d’apurement du passif est opposable, lorsque leurs créances sont antérieures au jugement prononçant la suspension provisoire des poursuites, à tous les créanciers chirographaires ainsi qu’à ceux dont la créance est garantie par un privilège, un nantissement ou une hypothèque ; il en est de même à l’égard des cautions ayant acquitté, pendant cette période, des créances nées antérieurement à ce jugement. 

 

Article 35: Les codébiteurs ou cautions solidaires ne peuvent se prévaloir du plan d’apurement collectif du passif. 

 

Article 36: Le commissaire désigné en application de l’article 28 contrôle l’exécution du plan d’apurement du passif ; il signale aussitôt tout manquement au président du tribunal. Il rend compte au moins tous les six mois au président du tribunal du déroulement des opérations. , 

 

Article 37: A la demande du débiteur et sur le rapport du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal peut décider toute modification de nature à abréger ou à favoriser l’exécution de ce plan. Il ne peut, en aucun cas, accorder une prolongation des délais de paiement.

 

Article 38: Si le débiteur ne se conforme pas aux stipulations du plan ou aux dispositions du jugement, le tribunal peut, d’office ou sur assignation d’un créancier ou groupe de créanciers représentant au moins 15 % des créances, prononcer la résolution du plan. Si le débiteur ne respecte pas les échéances prévues, le tribunal, d’office ou sur assignation d’un créancier ou groupe de créanciers, après rapport du commissaire, prononce la liquidation judiciaire ou la faillite et renvoie la procédure dans les conditions prévues à l’article 10, alinéa 3. 

En ce cas, la durée de la période de cessation des paiements est augmentée de la durée de la procédure de suspension provisoire et d’apurement collectif. 

Les jugements rendus en application du présent article sont publiés comme il est prévu à l’article 15 ci-dessus. 

 

 

TITRE IV 

Voies de recours 

 

Article 39: Les jugements prononçant la suspension provisoire des poursuites sont exécutoires par provision. 

Tout jugement peut être attaqué par la voie de l’appel ; l’appel est interjeté dans le délai de huit jours à compter du prononcé du jugement. 

La cour doit statuer dans les quinze jours. 

Si la cour prononce la suspension provisoire de poursuites, elle fixe la durée du délai prévu à l’article 11 et renvoie la cause et les parties devant le tribunal. 

Si la Cour ne prononce pas la suspension provisoire des poursuites et constate l’état de cessation des paiements du débiteur, elle prononce la liquidation judiciaire ou la faillite et renvoie la procédure devant le tribunal normalement compétent ; elle procède comme il est dit à l’article 10, alinéa 3. 

La décision de la Cour d’Appel prononçant la suspension provisoire des poursuites ne peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. 

 

Article 40: Les jugements acceptant, modifiant ou refusant le plan d’apurement du passif ou y mettant fin ainsi que ceux rendus en application de l’article 29, sont susceptibles d’appel dans les huit jours de leur prononcé. La cour doit statuer dans les quinze jours. 

 

Article 41: La tierce opposition peut être exercée dans les huit jours à compter de la publication du jugement acceptant le plan d’apurement du passif ; le tribunal doit statuer dans le délai d’un mois à compter du jour où la tierce opposition a été formée. 

 

Article 42: Les dispositions de l’article 41 sont applicables aux jugements statuant sur la tierce opposition. 

 

Article 43: Ne sont susceptibles d’aucune voie de recours les décisions prises en vertu des articles 12 et 13. Toutefois, l’appel des . jugements relatifs à la nomination, au remplacement et à l’étendue des pouvoirs d’un ou plusieurs administrateurs est ouvert au procureur de la République, même lorsque celui-ci n’a pas agi comme partie principale. 

 

Article 44: Les décisions du juge-commissaire visées aux articles 17 et 18 ne peuvent faire l’objet que d’une opposition devant le tribunal dans le délai de huit jours à compter du jour où elles sont intervenues. 

Le tribunal doit statuer dans le délai de huit jours à compter du jour où l’opposition est formée. Les décisions du tribunal ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. 

 

 

TITRE V 

Dispositions pénales 

 

Article 45: Est passible d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 500 000 à 10 000 000 FD, tout commerçant ou tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale qui, à l’occasion d’une procédure de suspension provisoire des poursuites, a, de mauvaise foi, présenté ou fait présenter un bilan ou un compte de résultat ou une annexe ou un état des créances et des dettes ou un état actif et passif des privilèges et sûretés, inexact ou incomplet. 

 

Article 46: Est passible d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 FD : 

1° – tout commerçant ou tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale qui, pendant la période de suspension provisoire des poursuites, a, sans autorisation du juge-commissaire, consenti une hypothèque ou un nantissement, ou a fait un acte de disposition étranger à l’exploitation normale de l’entreprise ou payé, en tout ou en partie, une dette née antérieurement à la décision prononçant ladite suspension ; 

2° – tout commerçant ou tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale qui a effectué un paiement en violation du plan d’apurement collectif du passif ou qui, dans les mêmes conditions, a fait un acte de disposition étranger à l’exploitation normale de l’entreprise ou un paiement irrégulier 3° – toute personne qui, pendant la période de suspension provisoire des poursuites ou celle d’exécution du plan d’apurement collectif du passif et en connaissance de la situation du débiteur, a passé avec celle-ci l’un des contrats prévus au 20 ci-dessus ou en a reçu un paiement irrégulier. 

 

Article 47: Tout administrateur qui se rend coupable de malversions dans sa gestion, est passible des peines prévues à l’article 408, paragraphe 2, du Code pénal.

Est passible des mêmes peines tout administrateur ou tout commissaire à l’exécution du plan d’apurement collectif du passif qui, de connivence avec le débiteur, omet de signaler les violations commises par celui-ci, des interdictions et obligations résultant du jugement ordonnant la suspension provisoire des poursuites ou du jugement homologuant le plan d’apurement collectif du passif.

 

 

TITRE VI

 Dispositions diverses

 

Article 48: Le procureur de la République reçoit copie de tous rapports établis par le juge-commissaire, par le ou les administrateurs ou par le commissaire à l’exécution du plan.

 

Article 49: Les actes faits en exécution de la présente ordonnance sont dispensés du timbre et enregistrés gratis, à l’exclusion des jugements et arrêts, et des actes portant mutation de propriété, d’usufruit ou de jouissance de biens meubles ou immeubles.

 

Article 50: La rémunération de l’administrateur et celle du commissaire à l’exécution du plan sont fixées par le président du tribunal.

 

Article 51: La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République de Djibouti.

 

Par le président de la République,

chef du gouvernement

 HASSAN GOULED APTIDON.