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Rapport n° 01/09/1939 portant déclaration et mise sous séquestre des biens appartenant à des ennemis.

Monsieur le Président,

 

Le décret-loi du 1er septembre 1939 relatif aux interdictions de rapports avec l’ennemi a

laissé au Gouvernement le soin de déterminer quelles seraient ces interdictions et leurs conditions d’application. Il est apparu que le système ie plus simple consiste à édicter une interdietion de tons rapports, tempérée par des exceptions bien délimitées.

Cette interdiction a pour objet, d’une part, d’éviter conformément à une pratique ancienne,

des opérations commerciales par lesquelles l’ennemi pourrait accroître sa force de résistance

et, d’autre part, de mettre obstacle à des communications qui pourraient contribuer à renseigner le commandement adverse. Tel est l’objet de l’article 1er.

L’article 2 définit les personnes physiques et morales visées pur l’interdiction formulée dans l’article 1er.

Il traite notamment en ennemis toutes les personnes et les établissements se trouvant

dans un pays ennemi et conconurant par là méme au maintien de l’activité économique de ce pars, de même que toutes les personnes morales et les établissements qui en dépendent.

Par contre les personnes physiques ennemies établies en pays neutres né sont pas visées par cet article, mais par l’article 3 qui prévoit la publication de listes de personnes physiques autres que celles définies à Particle 2 et des personnes morales qui en dépendent, avec lesquelles le commerce serx également interdit. Cette procédure sonple permettra d’appliquer l’interdiction suivant les besoins et les circonstances et constituera une sanvegarde utile pour nos nationaux, qui peuvent ignorer de bonne foi la nationalité véritable d’intéressés se dissimulant sous l’apparence d’une entreprise nettre.

Quant aux ressortissants ennemis se trouvaut sur le territoire national où dans un pays allié, ils ne seront touchés par l’interdiction de commerce qu’autunt qu’ils auront été internés.

L’article 4 assimile au territoire ennemi les territoires occupés par l’ennemi. En effet, le

danger que peuvent notamment comporter les correspondances avec des personnes se trouvant sous le contrôle de l’ennemi est aussi grand, que ce contrôle résulte de l’occupation

ou de l’exercice normal de la souveraineté.

Quant au commerce même avec les territoires oceupés par l’ennemi, il est évidemment susceptible de contribuer au succès de l’ennemi, aussi bien que le commerce avec son propre territoire. Il appartiendra à des mesures ultérieures de corriger. S’il y à lieu, et suivant les cas, la rigidité de ces principes de même qu’en ce qui concerne les territoires occupés par nos troupes.

L’article 5 prononce la nullité des contrats passés postérieurement à l’ouverture des hostilités en violation de dispositions de la loi et de l’article 1er, et la suspension, dans la mesure nécessaire, des contrats antérieurs. Il a paru prématuré de permettre, dès maintenant, la résiliation de ces derniers dans le cas où la suspension de leurs effets placerait lune des parties dans une position désavantagense.

A ce sujet, il convient de remarquer que si de décret du 27 septembre 1914 n’a pas interdit formellement l’exécution au profit de nos nationaux dés contrats valablement conclus avec des ennemis antérieurement à l’état de guerre, cette interprétation du texte n’a pas été souvent sanctionnée. Si une telle faculté était expressément édictée, elle aurait l’inconvénient de faciliter grandement la tâche des mauvais Français qui voudraient s’affranchir des stipulations de la loi du 1er septembre 1939 et du présent décret, en leur fournissant un motif à relations dont le caractère véritable serait généralement très difficile à définir. C’est pourquoi le projet qui dus cu soumis ne contient aucune distinction de ce genre. Toutefois, les deux derniers alinéas de cet article prévoient, l’un la production des intérêts des dettes contractées au profit d’un ennemi, l’autre l’exécution de contrats autorisés par le président du tribunal civil, de même les septième et neuvième exceptions de l’article 15 permettent, l’une de ménager les intérêts de nos nationaux en pays ennemi, l’autre le recouvrement de créances nées avant la guerre.

L’article 6 reprend la peine de confiscation édictée par la loi du 17 août 1915 et qui constitue de beaucoup In sanction lu plus efficace du commerce illicite.

L’article 5 interdit l’importation des produits ennemis.

L’article 8 assimile au commerce avec l’ennemi des opérations qui ne tombent pas nécessuirement sous le coup des interdictions formulées par les articles qui précèdent, mais qui seraient de natnre à apporter une assistance à l’ennemi.

L’article 9 traite de la question complexe du traitement à accorder aux produits d’origine

ennemie ayant subi une transformation en pays tiers et aux produits d’origine neutre où alliée ayant subi une transformation en pays ennemi ; il se borne à renvoyer pour ces définitions à des arrôtés à intervenir, ce sujet demandant à être traité suivant les nécessités économiques du moment. On sait que pendant la dernière guerre ke critériums d’origine qui étaient en usage en 1914 ont dû être abandonnés. A l’exclusion des produits d’origine cnnemie ayant subi en pays tiers une transformation leur ayant fait perdre leur individualité d’origine (métaux ex traits de minerais, fil fabriqué avec du lin ou du chanvre, fécule provenant de pommes de terre, huile extraite de graines oléagineuses, farine provenant de blé on de seigle…) les

marchandises dont plus de 25 p. 100 de la valeur était due à des matières où à du travail

ennemis étaient considérées comme ennemies. Cette proposition fut ensuite abaissée à 9 p. 100 sauf pour une vingtaine de produits.

Les articles 10, 11, 12, 13 et 14 ont pour objet de remettre en viguenr à peu de chose présles procédés le contrôle institués en 1914-1918 et qui, dans l’ensemble, donnèrent satisfaction. Ces dispositions ont une sotiplesse qui permet de les appliquer de facon variable aux divers pays et aux différents produits, de telle sorte que le Gouvernement puisse prendre les mesures nécessaires à la conduite de la guerre, Sans imposer au commerce et à l’administration des formalités exagérces.

L’article 15 détermine diverses exceptions

générales au principe posé par la loi. Les deux premières ne sont que la conséquences de nécessités internationales: les trois snivantes se justitient par des considérations d’humanité et d’opportunité.

Les sixième, septième et neuvième exceptions ont pour but de ménager les intérêts de nos nationaux dans des cas bien précis et qui ne paraissent pas pouvoir prêter à abus: il en résultera une diminution appréciable du nombre de demandes de dérogations dont l’administration pourra être saisie par application de l’article 16 dont il sera question ci-après ; les autres requêtes pourront ainsi être examinées daus de meilleures conditions.

La huitième exception reproduit celle qui avait déjà été admise en 1 1918 au sujet de la conservation et de l’acquisition des droits de propriété industrielle : elle à, en outre, pour objet de mettre fin aux incertitudes et aux contradictions de la jurisprudence de 1914-1918 en ce qui concerne l’admission des ennemis à faire valoir leurs droits en justice, et au caractère du mandat qu’ils peuvent confier à cet effet à un avoué où à un avocat: conformément à l’article 23 4) du règlement annexé à la convention IV de La Haye 1907 tel qu’il est généralement interprété sur le continent, le projet admet la licéité des rapports entre Français et ennemis lorsque ces rapports sont nécessaires à la reconnaissance des droits des particuliers en justice, sous condition bien entendu, en ce qui concerne les ennemis, de réciprocité.

L’article 16 prévoit enfin la possibilité pour le Ministre des affaires étrangères d’accorder

d’autres dérogations qui, conformes à l’équité,

peuvent être bienfaisantes pour l’économie générale du pays et utiles à la conduite de la

guerre, La nécessité de l’avis favorable d’une Commission spéciale donne la certitude que les demandes seront examinées sous tons les aspects convenables.

Parmi les demandes qui pourront otre presentées, il convient de faire une mention spéciale de celles qui émaneraient de ressortissants françnis ayant conclu antérieurement à l’ouverture des hostilités nn contrat aver ne personne avec laquelle l’article 1er interdit tout rapport, et qui, née pouvant résilier ce contrat, ce trouveruient menacés d’être contraints à l’exéention. Des dérogations devraient être accordées chaque fois qu’il sera démontré à la commission que l’inexéeution pourrait être sanctionnée pur les tribunaux des pays neutres, entraînant ainsi des indemnités pour le contractant français.

Il n’a pas paru utile de fixer dans le décret ci-joint de règle spéciale pour l’application au cas particulier des assurances du principe d’interdiction de rapports avec l’ennemi: en effet, la loi du 15 février 1917, qui est toujours en vigueur, donne à cet égard au Ministre du travail tous les pouvoirs nécessaires.

Telles sont les principales dispositions du projet de décret que nons avons l’honneur de

soumettre à votre signature.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l’hommage de notre profond respect.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Président du Conseil, ministre

de La défense nationale et de la

guerre,

Edouard DALADIER.

Le Ministre des affaires étrangères,

 

Georges BONNET.

Le Ministre de l’air,

 

Guy La CHAMBRE.

Le Ministre de l’agriculture,

 

Henri QUEUILLE.

Le Ministre des Colonies,

 

Georges MANDEL.

Le Ministre du commerce,

 

Fernand GENTIN.

Le Ministre des finances,

 

Paul REYNAUD.

Le Ministre de l’économie nationale,

 

Raymond PATENÔTRE.

Le Ministre de La marine,

 

C. CAMPINCHI.

Le Ministre du travail.

 

Charles POMARET.