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Décret n° 06-178-1911 01/07/1911

DECRETE

Article premier. — Le Sénat et la Chambre des Députés ayant approuvé la convention  d’extradition signée à Paris, le 6 janvier 1909, entre la France et les Etats-Unis d’Amérique,

et les ratifications de cet acte ayant été échangées à Paris, le 27 juin 1911, ladite convention dont la teneur suit recevra sa pleine et entière exécution :

 

Convention d’extradition entre la France et les Etats-Unis d’Amérique

La République Française et les Etats-Unis d’Amérique, désirant affirmer leurs relations  amicales et assurer une meilleure administration de la justice dans les deux pays, ont résolu de conclure un nouveau traité pour l’extradition des malfaiteurs fugitifs et ont nommé à cet effet les plénipotentiaires ci-après désignés ; savoir :

Le Président de la République Française : S. Exc. M. Stéphen Pichon, sénateur, ministre des Affaires Etrangères, et Le Président des Etats-Unis d’Amérique : S. Exc. M. Henry White, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des EtatsUnis d’Amérique près le Gouvernement de la République Française ;

Lesquels, après s’être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

Article premier. — Le Gouvernement français et le Gouvernement des Etats-Unis s’engagent à se livrer réciproquement les individus qui, poursuivis ou condamnés pour l’un des crimes ou délits spécifiés à l’article suivant, commis dans la juridiction de l’un des Etats contractants, auront cherché un asile ou seront trouvés sur le territorie de l’autre.

Toutefois l’extradition n’aura lieu que dans le cas où l’existence de l’infraction sera constatée de telle façon que les lois du pays où le fugitif sera trouvé justifieraient son arrestation et sa mise en jugement si le crime ou délit y avait été commis.

Art. 2. — L’extradition sera accordée pour les crimes et délits suivants :

1° Meurtre, parricide, assassinat, empoisonnement, infanticide ;

2° Viol, avortement, bigamie ;

3° Incendie volontaire ;

4° Vol avec l’une des circonstances suivantes : violence, menace, effraction, esca lade, fausses clefs — vol commis la nuit dans une maison habitée ; vol commis par plusieurs personnes ou par un individu porteur d’armes ;

5° Faux en écriture publique ou authentique, en écriture de commerce ou de banque,

en écriture privée ; usage desdits faux ;

6° Contrefaçon, falsification ou altération de monnaie ; papier-monnaie, titres ou coupons de dettes publiques, billets de banque, sceaux de l’Etat ; émission ou usage des objets ainsi contrefaits, falsifiés ou altérés ;

7° Abus de confiance, détournement soit par des dépositaires publics soit par des officiers ministériels ou publics ; détournement par une personne salariée au préjudice de son patron, détournement ou soustraction par aubergiste, voiturier, batelier ou leurs proposés, lorsque ces actes sont punis par les lois des deux pays et lorsque le montant des sommes ou valeurs sur

lesquelles porte l’in fraction n’est pas inférieur à 200 dollars ou 1000 francs.

8° Escroquerie, vol, lorsque ces actes sont punis par les lois des deux pays et lorsque le montant des sommes ou valeurs sur lesquelles porte l’infraction n’est pas inférieur à 200 dollars ou 1000 francs.

9° Faux serment, faux témoignage, subornation de témoins, d’experts ou d’interprètes.

10° Vol d’enfant, enlèvement d’un mineur au-dessous de quatorze dessous ans ou d’une fille au- de seize ans ;

11° Séquestration ou détention illégale ;

12° Obstruction ou destruction volontaire et illégale de voies ferrées qui puisse mettre en danger la vie des personnes ;

13° a) Piraterie d’après le droit des gens ;

b) Le fait, par tout individu faisant partie ou non de l’équipage d’un navire ou bâtiment

de mer, de s’emparer dudit bâtiment fraude par ou violence ;

c) Destruction, submersion, échouement ou perte d’un navire en mer dans une inten tion coupable ;

d) Révolte ou complot, par deux ou plu sieurs personnes à bord d’un navire en haute

mer, contre l’autorité du capitaine ou patron ;

e) Agression à bord d’un navire en haute mer avec intention de commettre un homicide

ou de faire des blessures graves ;

14° Crimes et délits commis contre les lois des deux pays sur la suppression de l’esclavage et la traite ;

15° Recel frauduleux des objets ou valeurs obtenus à l’aide d’un crime ou d’un délit, lorsque cet acte est puni par les lois des deux pays et lorsque le montant desdits objets ou valeurs n’est pas inférieur à 200 dollars ou 1000 francs.

L’extradition sera aussi accordée pour la tentative des faits énumérés ci-dessus, pour la participation ou complicité dans lesdits faits, lorsque cette tentative, participation ou complicité, sera punissable d’après la législation des deux pays.

Art. 3. Les demandes d’extradition se ront faites par les agents diplomatiques, ou, en cas d’absence de ceux-ci, soit du pays, soit du siège du gouvernement, par les consuls ou agents consulaires.

La demande,si elle concerne un fugitif conpagnée damné contradictoirement, devra être accom d’une expédition authentique de la sentence ;

si elle concerne un fugitif, soit simplement inculpé, soit condamné par contumace ou par défaut, elle sera accompagnée d’une copie authentique du mandat d’arrêt et des dépositions ou autres preuves sur les quelles le mandat a été décerné.

La procédure d’extradition sera suivie con formément aux lois en vigueur sur la matière dans le pays requis.

Art. 4. — L’arrestation du criminel fugitif peut être demandée sur avis même télégraphique de l’existence d’une sentence de con damnation eu d’un mandat d’arrêt.

En France, la demande d’arrestation est adressée au Ministre des Affaires Etrangères, qui la transmet au département compétent.

Aux Etats-Unis, la demande d’arrestation est adressée au Secrétaire d’Etat, qui délivrera un mandat constatant qu’elle est régulière et requérant les autorités compétentes d’y donner suite conformément à la loi.

Dans chaque pays, en cas d’urgence, le magistrat compétent peut être saisi directe ment de la demande d’arrestation conformé ment aux lois en vigueur.

Dans les deux pays, la personne arrêtée provisoirement sera mise en liberté si, dans un délai de quarante jours à dater de l’arrestation en France ou du mandat de dépôt aux Etats-Unis, la demande régulière d’extradition, accompagnée des pièces prescrites à l’article précédent, n’a pas été présentée par l’agent diplomatique du pays requérant ou, en son absence, par un consul ou agent con sulaire de ce pays.

Art. 5. — Les parties contractantes ne seront pas obligées de livrer leurs propres citoyens ou sujets, en vertu des stipulations du présent traité.

Art. 6. — Aucun individu ne sera livré si l’infraction pour laquelle son extradition est 

demandée a un caractère politique, ou s’il prouve que la demande d’extradition a été faite en réalité dans le but de le poursuivre ou de le punir pour une infraction d’un carac tère politique.

Si la question s’élève de savoir si le cas rentre dans les prévisions de la disposition qui précède, la décision appartiendra aux autorités du pays requis.

Art. 7. — Aucun individu livré par une des hautes parties contractantes à l’autre ne sera poursuivi, jugé ou puni pour aucune infraction commise antérieurement à son extradition, autre que celle pour laquelle sa remise a été accordée ; aucun individu ne sera arrêté ni détenu au civil pour une cause antérieure à l’extradition, à moins qu’il n’ait eu la liberté de quitter de nouveau le pays pendant un mois, après avoir été jugé, ou en cas de condamnation, après avoir soit subi sa peine, soit obtenu sa grâce.

Art. 8. — L’extradition ne sera pas accordée, en vertu des stipulations de la présente convention, si l’individu réclamé à être jugé pour le même fait dans le pays requis, ou si, depuis les faits qui lui sont imputés, les poursuites ou la condamnation, la prescription de l’action ou de la peine est acquise d’après la loi de ce pays.

Art. 9. — Si l’individu réclamé est poursuivi au moment de la demande, ou se trouve condamné pour un crime ou un délit commis dans le pays de refuge, son extradition pourra être différée jusqu’à ce que ces poursuites soient terminées et jusqu’à ce qu’il ait été mis en liberté conformément à la loi.

Art. 10. — Si l’individu réclamé par l’une des hautes parties contractantes en vertu du présent traité est aussi réclamé par une ou plusieurs autres puissances, du chef de crimes ou délits, commis dans leurs juridictions respectives, son extradition sera accordée à l’Etat dont la demande aura été reçue la première, à moins que le gouvernement requis ne soit tenu par traité, dans le cas de demandes concurrentes, d’accorder la préférence à celle qui est la première en date, et alors on se conformera à cette règle, à moins également qu’il n’existe entre les gouvernements requérants un arrangement qui déciderait de la préférence, soit à raison de la gravité des infractions commises, soit pour tout autre motif.

Art. 11. — Tous les objets saisis qui étaient au moment de son arrestation, en la possession de la personne à livrer, qu’ils proviennent du crime ou délit relevé à sa charge ou qu’ils puissent servir d’éléments pour établir la preuve du crime ou du délit seront, autant que possible, et si l’autorité compétente de l’Etat requis en ordonne la remise, délivrés au moment où l’extradition s’effectuera. Toutefois, les droits des tiers sur les objets dont il s’agit seront dûment respectés.

Art. 12. — Les frais occasionnés par l’arrestation, l’interrogatoire et la remise des individus réclamés seront à la charge du gouvernement requérant. Toutefois ce gouvernement n’aura pas à supporter les frais se rapportant à l’intervention de fonctionnaires ou officiers publics du gouvernement requis dont le ministère ou les services sont rémunérés par un traitement fixe de l’Etat. Il est entendu que les frais dus aux fonctionnaires ou officiers publics, dont les actes ou services sont rémunérés par des émoluments ou honoraires ne dépasseront pas le chiffre des honoraires réguliers qu’ils auraient touchés pour les services ou actes accomplis ou rendus par eux si ces actes ou services avaient concerné une procédure pénale ordinaire suivant les

lois du pays requis.

Art. 13. — Dans les colonies ou autres possessions des hautes parties contractantes, il sera procédé de la manière suivante :

La demande d’extradition du malfaiteur qui s’est réfugié dans une colonie ou possession étrangère de l’une des parties pourra être faite au gouverneur ou fonctionnaire principal de cette colonie ou possession par le principal agent consulaire de l’autre partie dans cette colonie ou possession, Si le fugitif s’est échappé d’une colonie ou possession étrangère de la puissance requérante, la demande pourra être faite par le gouverneur ou fonctionnaire principal de cette colonie ou possession.

Des demandes pourront être faites ou accueillies, en suivant toujours, aussi exactement que possible, les stipulations de ce traité, par les gouverneurs ou premiers fonctionnaires, qui cependant auront la faculté ou d’accorder l’extradition, ou d’en référer à leur gouvernement.

Art. 14. — Le présent traité sera exécutoire trente jours après l’échange des ratifications et ne s’appliquera qu’aux crimes et délits commis après sa mise en vigueur.

Du jour où il sera exécutoire, les conventions des 9 novembre 1843, 24 février 1845, 10 février 1858 seront abrogées, sauf en ce qui concerne les crimes qui y sont énumérés commis antérieurement à la mise à exécution du présent traité.

Les ratifications en seront échangées à Paris, aussitôt que possible, et il continuera à produire ses effets pendant six mois à partir de la dénonciation qui en serait faite par l’un des deux gouvernements.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé les articles ci-dessus tant en langue française qu’en langue anglaise et y ont apposé leurs cachets.

Fait en double à Paris, le 6 janvier 1909.

(LS) Signé: S. PICHON.

 (L S) Signé : Henry WHITE.

Art. 2. — Le Ministre des Affaires Etrangères et le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

 

 

A. FALLIÈRES.

Par le Président de la République :

Le Ministre des Affaires Etrangères,

J. DE SELVES.

Le Garde des Sceaux,

Ministre de la Justice,

Jean CRUPPI.