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Décret n° 4-337-1924 AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

Le Président de la République française,

Vu l’article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 ;

V le décret du (6 mars 1877 portant que les dispositions du Code pénal métropolitain sont rendues applicables dans certaines colonies et, notamment, son article 3 :

Vu le décret du 30 septembre 1887 relatif à la répression par voie disciplinaire des infractions commises par les indigènes non citoyens français, modifié par le décret du 16 mars 1914 ;

Vu le décret du 12 août 1891 portant application aux colonies de la législation métropolitaine sur la contrainte par corps et, notamment, les dispositions de la loi du juillet 1867;

Vu les décrets des 11 décembre 1895 et 30 juillet 1897 fixant les pouvoirs du gouverneur génér ral de Madagascar et dépendances ;

Vu le décret du 20 mai 1896 portant organisation des possessions de la Côte française des Somalis ;

Vu le décret du 7 juillet 1901 étendant à Madagascar et à Mayotte et dépendances les dispositions du décret du 30 septembre 1887 ;

Vu le décret du 4 février 1904 portant organisation de la justice à la Côte française des Somalis, modifié par le décret du 2 août 1922;

Vu le décret du 18 octobre 1904 portant réorganisation du gouvernement général de l’Afrique occidentale française ;

Vu le décret du 9 avril 1908 rattachant au gouvernement général de Madagascar la colonie de Marotte et les les et protectorats qui en dépendent ;

Vu le décret du 22 février 1909 relatif à la répression, par voie disciplinaire, des infractions commises par les indigènes de Madagascar;

Vu le décret du 9 mai 1909 portant réorganisation de la justice indigène à Madagascar ;

Vu le décret du 15 janvier 1910 portant réorganisation du gouvernement général de l’Afrique équatoriale française ;

Vu le décret du 31 mai 1910 portant réglementation de l’indigènat en Afrique équatoriale française ;

Vu le décret du 19 juillet 1912 rendant applicable à la Côte des Somalis les dispositions du décret du 30 septembre 1887 relatif à la répression, par voie disciplinaire, des infractions commises par les indigènes du Sénégal, non citoyens français ;

Vu la loi du 29 septembre 1916 déclarant citoyens français les natifs des communes de plein exercice du Sénégal et leurs descendants ;

Vu le décret du 7 décembre 1917 déterminant, en Afrique occidentale française, l’exercice des pouvoirs disciplinaires et les mesures propres à l’indigénats ;

Vu le décret du 4 décembre 1920 portant réorganisation du gouvernement général l’Afrique occidentale française ;

Vu le décret du 17 février 1923 portant réorganisation de la cé justice e indigène en Afrique équatoriale française, modifié par le décret du 14 février 1924 ;

Vu le décret du 22 mars 1924 portant réorganisation de la justice indivé ne en Afrique occidentale

Sur le rapport du Ministre des colonies,

 

 

 

DECRETE

Art. 1er. — Sont passibles, dans les colonies de l’Afrique occidentale francaise, de l’Afrique équatoriale française, de Madagascar et de la Côte des Somalis, des sanctions de police administrative réglementées par le présent décret, les indigènes non justiciables des tribunaux français.

Art. 2. — Les sanction police administrative sont infligées par voie disciplinaire, dans chaque circonscription (cercle ou Province) et subdivision de circonscription, par administrateur commandant la circonscription ou la subdivision, ou, à défaut d’administrateur, par l’officier ou l’agent civil qui en exerce les fonctions et auquel les pouvoirs disciplinaires ont été délégués par décisions spéciales du lieutenant gouverneur de la colonie où du gouverneur général, en ce qui concerne Madagascar, où du gouverneur, en ce qui concerne la Côte des Somalis.

Art. 3.— Les punitions disciplinaires prononcées par le commandant d’ass subdivision de circonscription (cercle ou province) sont provisoirement exécutoires, mais elles ne deviennent définitives qu’après approbation de l’administrateur commandant la circonscription dont relève la subdivision, lequel peut les réduire.

Art. 4.— Par exception à l’article 1er, sont exemptés des punitions disciplinaires des administrateurs :

1° Les indigènes avant servi pendant la guerre dans les troupes coloniales ;

2° Les chefs de province, de canton et de tribu ;

3° Les agents indigènes faisant partie des cadres réguliers de l’administration ;

4° Les membres indignes des assemblées délibérantes ou consultatives:

5° Les assesseurs près les tribunaux indigènes;

6° Les indigènes titulaires d’une décoration française ou coloniale :

7° Les indigènes titulaires du brevet élémentaire où d’un diplôme d’un degré égal ou supérieur ;

8° Les commerçants indigènes patentés à établissement fixe.

Art. 5. — Peuvent être exemptés individuellement des punitions disciplinaires des administrateurs, par arrêté pris chaque année par les gouverneurs généraux en Conseil de gouverne ment,ou d’administration, sur les propositions nominatives des lieutenants gouverneurs et, en Ce qui concerne la Côte des Somalis, par le gouverneur en conseil d’administration, les indigènes qui se seront particulièrement signalés à d’administration locale, soit par leur participation au développement commercial où agricole au pars, et, d’une façon générale, aux œuvres d’intérêt public, soit par les services rendus à la cause française.

Art. 6. — Les femmes et les enfants des indigènes visés aux articles 4 et 5 sont également exemptés des sanctions disciplinaires.

Art. 7. — Les exemptions prévues aux articles 4 et 5 peuvent être révoquées par arrétés, pris dans les conditions visées à l’article précédent, des gouverneurs généraux en conseil de gouvernement où d’adminitration, sur la proposition du lieutenant gouverneur, où du gouverneur, en ce qui concerne la Côte des Somalis, en cas de condamnation judiciaire, pour inconduite notoire, on encore pour des raisons d’ordre public.

Art. 8.— Les infractions prévues par le présent décret, commises pi in les indigènes , visées aux articles 4 et 5 sont de a compétence des tribunaux de Circonscription en Afrique équatoriale française, des tribunaux de deuxième degré en Afrique occidentale française, à Madagascar et à la Côte des Somalis.

Les articles 22, 23 et suivants demeurant toutefois applicables à ces indigènes.

Art. 9.— Les indigènes visés à l’article 3 sont passibles des sanctions de police administrative :

1° Lorsqu ‘ils se sont rendus coupables d’une contrave ntion à un arrêté du gouverneur général, du gouverneur ou du lieutenant rouve rueur, lorsque ledit arrété pris en vue des disposthions de Larticle 2 du décret du 30 septembre 1887 ou du présent décret, et rendu par application de l’article 3 du décret du 6 mars 1877, spécifie explicitement que les contrevenants indigènes sont punis par voie disciplinaire;

2° Lorsqu Ils se sont rendus coupables d’une action ou abstention qui lifiée d’infraction spéciale répressive par voie disciplinaire, par un arrêté du gouverneur général, en ce qui concerne la Côte des Somalis, par un arrêté du gouverneur également rendu par application de l’article 3 du décret du 6 mars 1877, et conformément aux on présent décret et de celles de l’article 2 du décret du 30 septembre 1887.

Art. 10.— Dans les trois mois qui suivront la promulgation du présent décret, les gouverneurs générs aux de Afrique équatoriale française et de l’Afrique occidentale française, sur proposition on des lieutenants gouverneurs le gouverneur général de Madagaseal, le gouverneur se Côte des Somalis prendront en conseil de gouvernement d’administration dans les conditions visées à l’article précédent, un arrête portant énumération de toutes les actions et abstentions qualifiées, dans chaque colonie ou portion de colonie, d’infractions spéciales répressibles par voie disciplinaire.

Cet arrêté est renouvelable chaque année.

L’énumération des infractions prévues au présent article ne pourra comprendre aucune de celles qui, aux termes des décrets organisant la justice indigène ou d’arrêtés des gouverneurs généraux, ou gouverneur, ou lieutenants gouverneurs, sont de la compétence des tribunaux indigènes.

Art. 11.— Les infractions prévues par le présent décret sont punies des peines de simple police.

Le cumul de l’amende et de la prison ne peut être prononcé que dans le cas de récidive.

A titre exceptionnel, les pénalités prévues par le décret du 30 septembre 1887, article 2, pourront être maintenues dans certaines régions de da colonie par arrêté des gouverneurs généraux en conseil de gouvernement ou d’administration, ou du gouverneur en ce qui concerne la Côte des Somalis, soumis à l’approbation préalable du ministre.

Ces arrêtés devront être pris dans les trois mois qui suivront la promulgation du présent décret et seront révisés tous les deux ans.

Art. 12. — Toute punition disciplinaire est signifiée en publie à I indigène qui est l’objet, avec l’énoncé au motif avant tout commencement d exécution.

Art. 13. — Le chef de circonscription ou de subdivision, aussitôt après avoir signifié à l’intéressé la punition infligée, inscrit celle-ci sur un registre spécial en mentionnant obligatoirement le numéro d’ordre, le nom de la colonie ou du territoire et celui de la circonscription et s’il y a lieu, de la subdivision, la date à laquelle est infligée la punition, le nom complet le l’indigène puni, et les noms de sa circonscription et de son village d’origine et de résidence, ainsi que le sexe, l’âge au moins approximatif et la profession de l’indigène puni, la nature et le montant de la punition infligée, l’énoncé succinct mais précis du fait qui a motivé la punition et enfin l’indication de

l’arrêté du lieutenant gouverneur ou du gouverneur général, ou du gouverneur, en exécution duquel la punition a été infligée et de l’article ou du paragraphe d’article dé terminant l’infraction punie, le tout suivi de sa signature.

Il établit de chaque inscription, deux ampliations identiques à celle-ci et revêtues également de sa signature.

Art. 14. — L’une des ampliations est destinée au service chargé de l’exécution le la punition.

La seconde est transmise à l’autorité supérieure en vue du contrôle à exercer, d’abord par le commandant chef de province, de cercle ou de région, s’il y a lieu, puis le lieutenant gouverneur, enfin par le gouverneur ou gouverneur général auquel sont envoyées, à la fin de chaque mois, les ampliations de toutes les inscriptions des punitions prononcées durant le mois dans chaque colonie du territoire.

Art. 15. — Dans le cas d’une punition cumulative de prison et d’amende, il est établi un double de l’ampliation visée au premier paragraphe de l’article précédent, afin que chacun des agents ou fonctionnaires mentionnés aux articles 15 et 17 ci-après puisse posséder la pièce justificative nécessaire.

Art. 16. — L’indigène puni d’emprisonnement par voie disciplinaire est conduit au régisseur de la prison qui, sur le vu de l’ampliation qui lui est destinée, l’incarcère immédiatement et conserve l’ampliation à titre de pièce justificative.

Art. 17. — L’emprisonnement infligé par voie disciplinaire (est subi dans un local distinct de celui affecté aux individus condamnés par une décision de justice ou prévenus d’un crime ou délit de droit commun.

Si les circonstances exigent que les divers locaux susvisés fassent partie d’un même immeuble, une ou des chambres de détention spéciales sont en tout cas réservées aux indigènes punis de prison par voie disciplinaire.

Les indigènes punis de prison à titre disciplinaire peuvent subir tout ou partie de leur peine sur un chantier de travaux d’utilité publique.

Il est tenu, dans chaque poste, un registre d’écrou spécial aux incarcérations opérées en exécution de punitions disciplinaires.

Art. 18. — L’indigène puni d’une amende disciplinaire est conduit devant le payeur ou agent spécial ou le fonctionnaire chargé des perceptions qui perçoit l’amende sur le vu de l’ampliation à lui destinée, en encaisse le montant dans les formes prescrites par les règlements en vigueur, en délivre un récépissé à l’indigène puni et conserve en échange l’ampliation à litre de pièce justificative.

Art. 19. — En cas de refus de payement de l’amende infligée, il peut être fait application de la contrainte par corps, dans les proportions ci-après : un à cinq jours de détention au maximum pour les amendes de à 15 francs ; cinq à dix jours pour les amendes de 16 à 50 francs; dix à quinze jours pour les amendes de 51 à 100 francs.

La contrainte par corps prend lin. dans tous les cas avec le pavement de l’amende infligée.

La durée de la contrainte par corps est déterminée et notifiée en même temps que la décision disciplinaire, dont elle est destinée à garantir l’exécution.

Si le non-payement le l’amende résulte de l’insolvabilité de l’indigène puni, l’autorité qui a prononcé la décision décide s’il y a lieu ou non d’appliquer la contrainte par corps.

Mention de cette décision est portée sur le registre d’inscription prévu ù l’article 14 ci-dessus et sur les ampliations prévues aux articles 14 et 15.

Est considéré comme insolvable l’indigène qui, ne possédant aucune ressource, est en outre, incapable, à raison le son s’age ou de sa condition ou île ses infirmités, de se livrer à un travail rémunérateur.

Art. 20. — Lorsqu’une punition prononcée par un chef de subdivision a été réduite par le chef de circonscription, mention en est faite par ce dernier sur l’ampliation qui lui a été transmise par le chef de subdivision, avec indication de la date à laquelle il a reçu notification de la décision, sur l’ampliation conservée par le régisseur de la prison ou le payeur ou agent spécial et sur le registre de l’inscription.

S’il s’agit d’une punition de prison, l’indigène dont la peine a été réduite est remis en liberté à l’expiration de la durée ainsi réduite de son emprisonnement.

Toutefois, si la notification de la réduction ne parvient qu’après l’expiration de la punition primitivement infligée, celle-ci demeure acquise.

Si la notification parvient à une date antérieure à celle de l’expiration de la punition primitive, mais postérieure à celle de l’expiration de la punition réduite, l’intéressé est remis en liberté immédiatement.

S’il s’agit d’une réduction d’amende, la différence entre le montant de l’amende définitive et la somme versée est remise, sur un ordre de dépense établi par le chef de circonscription, à l’intéressé, qui en donne décharge dans les formes régulières.

Art. 21. — Les lieutenants gouverneurs et gouverneurs en conseil privé, ou d’administration et, en ce qui concerne Madagascar, le gouverneur général en commission permanente du conseil d’administration peuvent, sur la proposition du procureur général ou du procureur de la République suivant le cas, annuler les décisions prononcées par les chefs de circonscription ou de subdivision en matière disciplinaire ou réduire les peines prononcées par eux.

L’annulation d’une punition entraîne la libération de l’indigène puni, s’il est en cours de détention, et la restitution du montant de l’amende à l’intéressé dans les conditions stipulées au dernier alinéa de l’article précédent.

En cas de réduction d’une punition, il est fait application des dispositions de l’article 19.

Art. 22. — Lorsqu’un indigène non justiciable des tribunaux français s’est rendu coupable d’actes ou de manœuvres ne tombant pas sous l’application des lois pénales ordinaires, mais de nature à compromettre la sécurité publique et paraissant comporter une sanction supérieure au maximum prévu pour les punitions disciplinaires, le gouverneur général, sur la proposition du lieutenant gouverneur intéressé ou en ce qui concerne la côte des Somalis, le gouverneur peut prononcer son internement pour une durée ne pouvant dépasser dix années, et, éventuellement, la mise sous séquestra de ses biens pendant la durée de l’internement à intervenir.

Il en est de même des indigènes non justiciables des tribunaux français qui se sont rendus coupables de faits d’insurrection contre l’autorité de la France ou de troubles politiques graves.

La peine d’internement prévue par le présent article pourra être remplacée par l’obligation de résider dans un lieu déterminé ou par l’interdiction de séjourner sur une partie du territoire de la colonie. Cette peine ne pourra excéder dix ans.

L’indigène en instance d’internement, d interdiction de séjour ou de résidence obligatoire est maintenu sous la surveillance de autorité locale jusqu notification de la décision du gouverneur général ou gouverneur.

Art. 23. — Lorsque les actes ou manœuvres, les faits d’insurrection et les troubles graves visés à l’article précédent sont l’œuvre d’une collectivité, le gouverneur général ou le gouverneur peut imposer à la collectivité ayant pris part aux mêmes actes, manœuvres, faits d’insurrection ou troubles, une contribution en espèces ou en nature.

Art. 24. — Chacune des sanctions prévues aux articles 21 et 22 ci-dessus est prononcée par arrêt du gouverneur général ou du gouverneur, pour ce qui concerne la côte des Somalis, rendu en commission permanente du conseil de gouvernement ou d’administration ou en conseil d’administration après avis du procureur de la République.

Il en est rendu compte au ministre des colonies par l’envoi d’un rapport spécial accompagné d’une ampliation de l’arrêté.

Le gouverneur général ou le gouverneur, pour ce qui concerne la côte des Somalis, peut, pur arrêté rendu en commission permanente du conseil de gouvernement ou d’administration ou en conseil d’administration et transmis au ministre des colonies

dans les conditions stipulées à l’article précédent, réduire la durée de l’internement, ou de l’interdiction de séjour ou de la résidence obligatoire prononcé contre un indigène, ou le moulant de la contribution imposée à une collectivité.

Art. 25. — Toutes dispositions antérieures contraires à celles du présent décret sont et demeureront à abrogées.

Art. 26. — Le ministre des colonies est chargé de l’exécution du présent décret.

 

 

GASTON DOUMERGUE.

Par le President de la République:

 

Le Ministre des colonies,

DALADIER.