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Arrêté n° 08-330-1924 26/04/1924
- Mesure: Générale
- Date de Publication:
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT
ARRÊTE
Art. 1er. — Les militaires des armées de terre et de mer, titulaires d’une pension, définitive ou temporaire, en vertu de la loi du 31 mars 1919. bénéficieront, à partir de la publication du règlement d’administration publique prévu par l’article 18 des dispositions de la présente loi.
Art. 2. — Toutes les exploitations, industrielle et commerciales, autres que celles visés par les articles 1e et 7 de la loi du 31 janvier 1923, qui occupent régulièrement plus de dix salariés de l’un
ou de l’autre sexe. âgés de plus de dix-huit ans, français ou étrangers, seront tenues d’employer des pensionnés de guerre au prorata de leur personnel total, dans les conditions fixées à l’article 3.
Toutes les exploitations. agricoles et forestières qui occupent régulièrement plus de quinze salariés, seront soumises aux mêmes obligations.
Toutes les exploitations qui emploient plus de 59 p. 100 de main-d’œuvre féminine seront soumises au payement d’une redevance annuelle, proportionnelle au nombre des pensionnés de guerre non employés. Ces exploitations seront exonérées du payement de la redevance, si elles justifient qu’elles emploient, au prorata de leur personnel masculin, le nombre des pensionnés de guerre prévu à l’article 3, et pour l’effectif féminin, une égale proportion de veuves de guerre non remariées ou remariées avec enfants mineurs du conjoint mort pour la France de mères ou filles mineures de militaires morts à la guerre ou de suites de la guerre ou femmes d’aliénés internés bénéficiaires de la loi du 31 mars 1919.
Art. 3. — Dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi, le Ministre du travail arrêtera, après avis conforme de l’office national des mutilés, pour chaque catégorie d’établissements, la proportion des pensionnés de guerre dont l’emploi sera obligatoire sans que cette proportion puisse dépasser 10 p. 100 du personnel total dans chaque exploitation.
Ne seront pas compris dans ce décompte les apprentis et volontaires non rémunérés.
Sera compté pour deux unités, tout pensionné de La loi du 31 mars 1919, dont l’invalidité physiologique atteindra au moins 80 pour 100.
Dans les exploitations occupant un nombre de salariés égal ou supérieur à trente.
cette proportion devra comprendre un tiers de pensionnés ne jouissant que d’une capacité professionnelle réduite. Si cette opération donne lieu à un reste au moins égal à une demi-unité, on ajoutera une unité au nombre qui en sera le produit.
L’employeur titulaire d’une pension en vertu de la loi du 31 mars 1919, sera compté pour une unité dans le pourcentage des mutilés qui lui est imposé s’il est réformé avec moins de 80 p. 100 d’invalidité ou pour deux unités s’il est pensionnés avec un taux supérieur.
Il en sera de même des victimes d’accidents du travail titulaires d’une pension en vertu de la loi du 9 avril 1898 et des lois subséquentes relatives au même objet, lorsqu’elles seront au service de l’exploitation où l’accident s’est produit.
Art. 4. — L’emploi des pensionnés de guerre tel qu’il est réglé par l’article 3 n’est obligatoire, pour les exploitations existant au jour de l’entrée eh vigueur de la présente loi, que dans la mesure des disponibilités de ces exploitations à cette de ou des vacances qui se produiront par suite de modification dans le personnel.
Toutefois, les exploitations qui, dans le délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, ne justifieront pas avoir atteint le pourcentage fixé uniformément aux articles 2 et 5, seront tenues des redevances prévues à l’article 10.
Art. 5. — Dans la première quinzaine du mois de janvier de chaque année, les chefs d’exploitation assujettis à la présente loi seront tenus de faire connaître au projet la liste des pensionnés de guerre employés par eux pendant l’année précédente en spécifiant la période d’utilisation de chacun d’eux.
Dans la première quinzaine de février, le préfet transmet ces renseignements et ceux faisant l’objet du paragraphe ci-dessous au directeur de l’office départemental de placement à la commission départementale
de contrôle visée à l’article 13, et aux présidents des associations du département ayant pour objet principal la défense des intérêts des bénéficiaires de la présenté loi.
Les assujettis doivent en outre, notifier au préfet toutes les modifications qui se produiraient en cours d’année en ce qui concerne soit le renvoi ou l’embauchage des ouvriers mutilés, soit la nature de leur
emploi.
Art. 6. — Les chefs d’exploitation qui n’utilisent pas le nombre prescrit de pensionnés de guerre doivent faire connaître, dans les quarante-huit heures, à l’office public de placement, par lettre recommandée avec avis de réception, toutes les vacances d’emploi.
Dans un délai de huit jours francs, à dater de la réception de la déclaration, l’office doit présenter à l’employeur un pensionné de guerre. A défaut de présentation dans ce délai, le chef d’exploitation reprend sa liberté d’embauchage.
L’offre restera valable si, à l’expiration d’un nouveau délai de huit jours les vacances déclarées à l’office n’ont pas été comblées directement par l’entreprise.
Art. 7. — Tout pensionné de guerre présenté par les offices publics de placement sera soumis à une période d’essai qui ne pourra être supérieure à une semaine pour les ouvriers et à un mois pour
les employés.
Tout refus opposé par le patron à la période d’essai devra être motivé et soumis au directeur de l’office départemental de placement qui statuera sur la légitimité des motifs invoqués. Appel de sa décision pourra être porté devant la commission prévue à l’article 14, qui statuera en dernier ressort et fera, s’il échet, application des dispositions de l’article 10.
En cas de contestation, soit sur la nature de l’affectation, soit sur la capacité et le rendement professionnels, le différend pourra être porté devant la commission prévue à l’article 14, par lettre recommandée adressée au préfet.
Appel de cette décision pourra être formé devant la commission prévue à l’article 15, dans la même forme que ci-dessus, et ce dans les trois jours de la décision de la commission prévue à l’article 14, à peine
de forclusion.
La décision de la première commission sera exécutoire par provision sauf en ce qui concerne les pensionnés munis du certificat de’ capacité professionnelle, organisé par l’article suivant.
Art. 8. — Le salaire de l’intéressé, tel qu’il sera fixé par la décision de la commission de l’article 14, et, en cas d appel., par celle de la commission prévue à l’article 15 ne pourra faire l’objet, entre les mêmes parties d’une demande en revision qu’à l’expiration du délai de six mois à compter du jour de cette décision.
En cas de rejet les demandes de cette nature ne pourront être renouvelées que d’année en année.
Le salaire des pensionnés de guerre visés par la présente loi ne pourra être inférieur au tarif normal et courant de la profession et de la région. A défaut de salaire normal et courant, fixé en vertu des décrets du 10 aout 189, la détermination en sera faite dans les conditions prévues par l’article 7 desdits décrets.
Toutefois le salaire pourra être réduit.
soit par les parties elles-mêmes, soit en cas de désaccord, par l’une des commissions de contrôle, s’il est établi que le pensionné se trouve, de par son invalidité, dans une condition d’infériorité notoire sur les ouvriers de la même catégorie. Dans le cas, la réduction ne pourra pas excéder 29 p. 100 si la capacité professionnelle est y moins égale à la moitié de la capacité normale, et 50 p. 100 du salaire normale et courant, dans le cas où elle serait inférieure à cette moitié.
Art. 9. — Par dérogation aux dispositions de l’article précédent le salaire normal et courant de la profession et de la région sera toujours dû au pensionné pendant la période d’essai.
Tout pensionné muni d’un certificat de capacité professionnelle. délivré par la commission prévue à l’article 13, aura droit en outre, au salaire normal et courant jusques et y compris le troisième jour qui suivra la décision définitive.
Art. 10. — Tout chef d’exploitation qui n’a pas employé le nombre de pensionnés prescrit par l’article 3 et qui n’a pas fait la déclaration visée à l’article 6 est assujetti à une redevance fixée à 6 fr. par jour ouvrable et par pensionné.
Toutefois, les emplois de direction qui deviendraient vacants pendant la période transitoire prévue à l’article 4, ne donneront lieu au payement de la redevance que trois mois après la déclaration de la vacance.
Ces emplois seront déterminés par les règlements d’administration publique prévus à l’article 19.
La redevance n’est pas due :
1° Pour les jours pendant lesquels l’exploitation n’a pas fonctionné;
2° Pour les pensionnés de guerre que les chefs d’exploitation justifient avoir demandé aux offices publics de placement
et que ceux-ci n’ont pu fournir.
Toute fausse déclaration entraîne le payement du double de la redevance.
Le défaut de payement du salaire, tel qu’il est déterminé en application des articles 8 et 9, donne lieu, à la charge de l’employeur contrevenant, au payement d’une redevance égale au double de la différence entre le salaire effectivement payé et le salaire normal et courant, sans préjudice des réparations civiles dues à l’ouvrier lésé.
Les associations avant pour objet principal la défense des intérêts des bénéficiaires de la présente loi peuvent exercer une action civile, basée sur l’inobservation de ses prescriptions, sans avoir à justifier
d’un préjudice.
Art.11. — Les redevances fixées par l’article 10, ainsi que la redevance annuelle établie par le paragraphe 2 de l’articlé 2 et dont le montant sera déterminé par la commission prévue à article. 15, seront recouvrées par l’administration des contributions directes. Elles seront soumises, le cas échéant, aux mêmes voies de recours que lesdites contributions.
Le produit de ces redevances sera affecté à un fonds commun destiné à être utilisé au profit des pensionnés de guerre, dans les conditions prévues par un règlement d’administration publique, après avis de l’office nationale des mutilés.
Art. 12. — Sous le bénéfice des dispositions qui précèdent, toutes les règles relatives au contrat de travail, et notamment celles qui figurent au livre Ier du code du travail et de la prévoyance sociale, demeurent applicables aux conventions visées par la présente loi.
Toutefois, les pensionnés atteints d’une invalidité physiologique supérieur à 60 p. 100 pourront prétendre à un délai-congé de deux semaines pour les emplois pavés à la journée où à la semaine, et de deux mois pour les emplois pavés au mois, à moins que les usages ou le contrat ne prévoient une durée supérieure.
Le délai de préavis spécial, institué par le paragraphe précédent. ne pourra être invoqué par l’invalide dont le renvoi immédiat, pour faute très grave serait possible, même en présence d’un délai-congé prescrit par le contrat ou les usages.
Art. 13. — Le certificat facultatif de capacité professionnelle, prévu à l’article 7, est établi par une commission siégeant au chef-lieu d’arrondissement, et comprenant:
Un juge ou un juge de paix, président de droit, désigné annuellement par le président du tribunal civil;
Un médecin désigné par le même magistrat sur la liste des médecins experts accrédités auprès du tribunal de première instance ;
Un des membres élus du comité départemental des mutilés et réformés de guerre;
Un patron et un ouvrier.
Les conditions de nomination les membres de cette commission et des deux commissions visées aux articles suivant seront déterminées par le règlement d’administration publique prévu à l’article 19.
Cette commission s’adjoindra dans chaque espèce deux techniciens qualifiés, l’un patron, l’autre ouvrier, qui seront désignés par le président du conseil de prude hommes ou de la juridiction en tenant lieu.
Art. 14. — Les contestations prévues à l’article 7 seront portées devant une commission siégeant au chef-lieu d’arrondissement, qui se réunira une fois au moins par semaine.
Cette commission comprendra :
Un juge du tribunal civil, président de droit, désigné annuellement par le tribunal;
Un médecin choisi par le ministre de la justice sur la liste des médecins experts près les tribunaux ;
Un des membres élus du comité départemental des mutilés et réformés de guerre;
Un employeur et un ouvrier ou employé.
Art. 15. — Il est créé dans chaque chef-lieu de département une commission, dite commission départementale de contrôle qui est composée, ainsi qu’il suit :
Un conseiller à la cour d’appel ou un président de tribunal civil, président, avec voix prépondérante, désigné par la cous d’appel;
Un inspecteur divisionnaire du travail qui pourra se faire suppléer par un inspecteur départemental;
Un médecin, où l’un des médecins attachés’ au centre de rééducation professionnelle des mutilés s’il s’en trouve un dans le département; et; à défaut de contre de rééducation dans le département, un médecin choisi par le ministre de la justice sur la liste des médecins experts près les tribunaux, où sur une liste de dix membres présentés par les syndicats ou associations de médecins du département;
Un des membres élus du comité départemental des mutilés et reformés de la guerre;
Un employeur et un ouvrier ou employé, tous deux pensionnés de guerre.
Cette commission a pour rôle :
1° De statuer en dernier ressort sur les conditions relatives du salaire;
2° De déterminer le montant des redevances dues pur les assujettis qui ne se seront pus conformés aux prescriptions de la présente loi, ou par les chefs des exploitations féminines où mutes assujettis à une redevance annuelle, sur les indications qui leur seront fournies par le préfet.
Le préfet transmettra les états ainsi dressés à l’administration des contributions directes, chargée du recouvrement des redevances reconnues exigibles par la commission.
Art. 16. — L’exécution des prescriptions de la présente loi est assurée, sous le contrôle de la commission prévue à l’article précédent, par les inspecteurs du travail et les officiers de police judiciaire, en ce qui concerne les exploitations immatérielles et commerciales, et par les officiers de police judiciaire, en ce qui concerne les exploitations agricoles.
Art. 17. — L’alinéa 4er de l’article 1er de la loi du 25 novembre 1916 est ainsi modifié :
Toutes les fois qu’un militaire des armées de terre et de mer. titulaire d’une pension en vertu de la loi du 31 mars 1919, aura été victime d’un accident du travail survenu dans les conditions prévues par les lois des 9 avril 1898, 30 juin 1899, 12 avril 1906, 13 juillet 1907 et 15 juillet 1914, l’ordonnance di président ou le jugement du tribunal qui fixera le montant des rentes pouvant résulter, tant de sa mort que de la réduction permanente de sa capacité de travail, devra indiquer expressément:
Art. 18. — Les bénéficiaires de la présente loi, employés ou ouvriers, auxiliaires même temporaires, dans une administration ou un établissement de l’Etat, seront titularisés dans leur emploi s’ils justifient d’une année de présence.
En cas de suppression d’emploi, ils seront pourvus d’un emploi équivalent.
Art. 19. — Les règlements d’administration publique relatifs à l’application de la présente lei seront élaborés par le ministre du travail, après avis du ministre des pensions, du ministre de l’agriculture, du ministre du commerce et de l’office national des mutilés.
Ces règlements devront prévoir une indemnité dite de « vacation à accorder de plein droit aux ouvriers ou employés et aux élus des comités départementaux des mutilés et réformés de guerre devant siéger dans les commissions prévues, par les articles 13, 14 et 15 de la présente loi.
Art. 20. — La présente loi est applicable à l’Algérie et aux colonies.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’Etat.
A. MILLERAND.
Par le Président de la République:
Le Ministre du travail et de l’hygiène.
DANITEL-VINCENT.
Le Ministre dela querre et des pensions.
MAGINOT.
Le Ministre des finances,
F. FRANÇOIS-MARSAL.