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Circulaire n° 01-221-1915 relative a la rémunération des séquestres des biens de sujets allemands ou austro-hongrois.

Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, à MM. les premiers Présidents des cours d’Appel el Procureurs Généraux près lesdites cours (France et Algérie).

Par ma cireulaire du 3 Novembre dernier, j’ai invité M.M. les Procureurs Généraux à me faire connaître: 1° quellessontiles règles suivies dans leurs ressorts respectifs pour la rémunération des administrateurs judiciaires nommés par les Tribunaux Civils ou par les Présidents de ces Tribunaux et ?si etles leur paraissaient devoir être appliquées purement et simplement ou sous réserve de certaines modifications aux séquestres des biens d’Allemands, d’Autrichiens ou de Hongrois.

1°- Mode de rémunération des séquestres.

Il ressort de l’enquêle que jai ainsi ouverte auprès des parquets généraux et dont les résultats centralisés à la Chancellerie y ont été méthodiquement dépouillés, que les conditions de rétribution des Administrateurs judiciaires différent d’un ressort de cours d’Apoel à l’autre et même d’un Tribunal à l’autre dans le même ressort; en outre chaque Tribunal les fait généralement varier selon la nature des affaires.

Tantôt des Administrateurs judiciaires sont rémunérés au moyen de vacations et tantôt il leur est alloué un pourcentage sur les recettes ou les dépenses ou tout à la fois, sur les unes et les autres; le pour

centage lui-même se prête à des combinaisons diverses et il peut être strictement proportionnel aux sommes auxquelles il s’applique ou comporter une dégression selon l’importance desdites sommes.

Tantôt l’encore la rétribution des Administrateurs judiciaires est fixée à forfait en tenant i compte de différents éléments, tels que les dillicultés de la gestion, l’étendue des peines et soins ou de la responsabilité, la durée des opérations.

Tantôt les émoluments touchés par les mandataires de Justice par application de l’un de ces systèmes représentant le montant cumulé de leurs honoraires et de leurs dépenses d’administration et tantôt

il s’y ajoute le i emboursement de tout ou ; partie des frais par eux exposés.

Il est rationnel que les bases de rémunération diffèrent selon la nature des I affaires. Il est, au contraire, difficile de justifier que pour des affaires semblables elles soient variablessuivantlesTribunaux.

On doit donc tendre à l’unification en substituant aux usages locaux un tard général qui, s’appliquantà tous les ressorts judiciaires, comportera des modes de taxation différents selon les catégories d’opérations a effectuer, de manière à s’adapter à tous les cas et à proportionner aussi exactement que possible, dans chaque espèce, la rétribution de l’administrateur judiciaire à l’importance de scs travaux et de  ses responsabilités. C’est là une œuvre essentielle que j’ai décidé d’entreprendre et au sujet de laquelle vous recevrez les instructions par circulaire séparée en vue d’un supplément d’instruction; quelques dillicultés qu’elle puisse présenter, elle devra être menée à bonne fin dans le plus bref délai.

S’il n’est pas possible d’abroger dès à présent les usages variés, dont l’existence a été constatée par

l’enquête que j’ai pres crite, et si, dans certains cas exigeant un règlement d’urgence, on se trouve amené,

pendant la période transitoire qui précédera l’institution du tarif, à se référer à ces usages pour la rémunération des séquestres des biens de sujets allemands et austro-hongrois, du moins ne faut-il pas

oublier qu’ils ne sont pas légalement obligatoires; par conséquent, dans la pratique, il incombera aux autorités judiciaires d’en corriger les défectuosités et de prévenir les abus auxquels ils pourraient aboutir.

Je fais à cet égard toute confiance aux magistrats du parquet et du siège. Depuis qu’a été entreprise, conformément à mes instructions des 13 et 10 Octobre, la mise sous séquestre desdits biens, ils n’ont cessé, dans l’accomplissement de leur mission, de manifester une haute conscience de leur devoir et un vif souci de l’intérêt public. Ils s’inspireront des mêmes sentiments dans cette partie de leur tâche. 

Tout en assurant aux séquestres la juste et raisonnable rétribution qui leur est due ils veilleront à ce que la mise en œuvre d’une formule ne conduise en aucun cas à des émoluments excessifs.

Leur attention se portera spécialement sur les conditions d’application des tarifs comportant un pourcentage sur les recettes ou les dépenses. Ils convient d’empêcher que ce mode de rétribution n’ai pour conséquence d’inciter les séquestres à étendre plus qu’il ne convient le champ de leurs opérations.

A ce sujet je dois vous signaler qu’à plusieurs reprises j’ai été saisi de plaintes à l’occasion de ventes qui auraient été opérées par des séquestres sans nécessité suffisamment démontrée ou de poursuites en paiement qu’ils auraient inconsidé rément engagées contre des débiteurs français. 

Il importe que les séquestres se pénètrent bien des instructions, dans les quelles j’ai détini leurcaractère, notamment des termes de ma circulaire du 14 novembre dernier, qui spécifie qu’ils ne sont pas des liquidateurs.  

En ce qui concerne les ventes cette circulaire a fixé d’une façon précise les limites dans lesquelles elles sont admissibles et qui ne doivent pas être dépassées. 

Quant au recouvrement des créances faisant partie de l’actif des maisons allemandes ou austro-hongroises placées sous séquestre, il doit être limité à ce qui est strictement indispensable à l’acquittement des sommes dues aux créanciers français et il n’y a lieu de le poursuivre qu’avec les ménagements dus aux débiteurs français à raison des circonstances; notamment il peut arriver que ceux-ci soient hors d’état de s’acquitter parce qu’ils se trouvent eux-mêmes empêchés de recouvrer le montant de leurs créances envers des maisons allemandes ou austro-hongroises. 

Les parquets et les Présidents des Tribunaux civils soumettront ces opérations des séquestres a un contrôle par ticulièrement attentif.

II.- Procédure à suivre pour du fixation de la rétribution des séquestres cl l’apuremenl de leurs comptes.

Les séquestres ayant été nommés dans chaque ressort de Tribunal civil par ordonnance du Président rendue sur réquisitions du Procureur de la République, la même procédure devra être suivie, le moment venu, pour la lixalion de leur rétribution et l’allocation à leur prolit, le cas échéant, d’acomptes sur les sommes pouvant leur revenir.

C’est également cette procédure qui sera employée pour l’apurement des comptes des séquestres. 

En conséquence, ceux-ci déposeront leurs demandes tendant au règlement de leurs frais et honoraires ou de leurs comptes entre les mains du Procureur de la République’ qui, après un examen minutieux à l’occasion duquel il reclamera la production des explications et justifications qui lui paraîtront nécessaires et procédera à toutes vérifications utiles, 

transmettra lesdites requêtes avec ses conclusions au Président qui statuera.

III.- Imputation de la dépense afférente à la rétribution du séquestre et aux autres frais.

Il sera fait face à la rétribution des séquestres et plus généralement à tous frais comme en matière de faillite, c’est-àdire par prélèvement sur l’actifdisponible comme il est prévu par l’article 489 du Code de Commerce.

Toutel’oisles l’raisresteraientà la charge du Trésor, qui les supporterait au titre des « frais de justice”, au cas

où la mesure du séquestre aurait été ordonnée par erreur et devrait être rapportée, comme par exemple, si les personnes auxquelles elle a été appliquée ont été faussement considérées comme de nationalié alle

mande ou austro-hongroise. 

Mais il en sera différemment si la mainlevée en est ordonnée à titre exceptionnel et par pure bienveillance au profit de sujet allemands, autrichiens ou hongrois dans les circonstances indiquées par mes instructions. Les frais y compris la rémunération du séquestre, donneront lieu, dans cette hypothèse, conformément à la règle générale ci-dessus posée, à prélèvement sur l’actif qui avait été placé sous la main de justice. Lesbiens ne seront donc remis à la disposition de leurs propriétaires qu’aprés acquittement des frais faits pour leur conservationetleur gestion. 

Tous prélèvements de frais sur des actifs mis sous séquestre devront, bien en tendu, être autorisés expressément dans les formes déterminées plus haut, c’est-àdire par ordonnance du Président du

Tribunal civil rendue sur réquisitions du Ministère Public.

En ce qui concerne les frais autres que les honoraires proprement dits des séquestres, je ne puis que vous rappeler les recommandations de mes circulaires qui tendent à obtenir de ces mandataires de justice, dans les opérations qui leur sont confiées, une stricte économie exclusive de toutes dépenses inutiles ou sur

abondantes. L’obligation qui s’impose, à cet égard, aux séquestres, trouvera sa sanction lors de l’autorisation des prélèvements pour frais et honoraires.

IV.- Observations concernant les séquestres généraux ou collectifs. 

Les instructions qui précèdent ne visent que le cas de séquestres individuels, c’est à dire ordonnés à l’égaré d’individus ou d’établissements de nationalité allemande ou austro-hongroise nominativement dé

signés; cilesne concernent pas les mesures de séquestre général ou global, requises  en vertu de mes circulaires des 27 Octobre et 4 Novembre 1914 et portant sur l’ensemble des biens de toute nature en dépôt ou en garde dans les banques, chez les officiers publics et ministériels, dans les entrepôts, docks, magasins généraux et gares de chemin de fer.

(’.e séquestre collectif a simplement la valeur d’une opposition et il emporte pour ceux qui en sont chargés interdiction de se dessaisir des biens dont ils sont détenteurs. Les banques, ofliciers publics et ministériels, entrepôts, docks, magasins généraux et compagnies de chemin de fer conservant, sous l’autorité de la justice, les biens de sujets allemands ou austrohongrois au titre où les uns et les autres les ont reçus et qui continue à définir leurs droits et leurs obligations; ils ne peuventdonc prétendre, comme séquestres,

à aucune rémunération spéciale.

En revanche ils n’ont pas à pourvoir sur les dits biens au payement ou au remboursement des frais occasionnés par l’ordonnance de mise sous séquestre et engagé par le ministère public dans lesconditions déterminées, pour toutes poursuites d’office en matière civile, par l’article 122 du décret du 18 Juin 1811.

Je vous prie de porter la présente circulaire à la connaissance de MM. les les Présidents des Tribunaux civils et Procureurs de la République et de m’en accuser réception.

 

Aristide BRIAND.