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Circulaire n° 2-189-1912 relative à l’attribution de concessions dans le voisinage des ports.

(Ministère des Colonies, — Secrétariat et Contreseing.

— 91° Section).

Le Ministre des Colonies

à Messieurs les Gouverneurs Généraux, Gouverneur des Colonies et l’Administrateur des les Saint-Pierre et Miquelon.

Mon attention a été appelée à différentes reprises sur les difficultés qui pouvaient résulter pour l’administration de l’attribution, dans le voisinage immédiat des ports, à des particuliers ou à des Sociétés, de concessions de terrains destinés à l’installation de chantiers de construction, de magasin, de dépôt de charbons, etc…

Les inconvénients signalés en ce qui concerne les concessions en pleine propriété se retrouvent d’ailleurs quoique à un degré moindre, lorsqu’il s’agit de simples permissions d’occupation temporaire.

Les concessions ou permissions peuvent, tout d’abord, constituer une gêne pour le service des ports qui tend à s’accroitre en raison du développement économique constant de nos divers établissements d’outre-mer. Que si le voisinage immédiat des bassins se trouve occupé par des entreprises privées, les services d’utilité publique organisés soit les Colonies, soit par les Chambres de Commerce, n’ont plus de place pour se développer, même normalement.

Sans parler de l’incommodité qui résulterait de ces aménagements défectueux, pour les navires fréquentant nos ports coloniaux,

l’’éparpillement sur une grande étendue des différents services d’un port, que pourrait entrainer la présence d’enclaves privées, ne manquerait pas d’occasionner un surcroît de dépenses parfois considérable, en nécessitant la construction de voies ferrées. d’appontements multiples et l’acquisition d’un matériel supplémentaire de chargement et de déchargement.

Les inconvénients auxquels donne lieu l’attribution de concessions. voire de permissions, dans le voisinage immédiat des ports et qui viennent d’être sommairement exposés, se manifestent à fortifior: lorsqu’il s’agit des grands travaux d’utilité publique que peut nécessiter l’aménagement de ports comme Fort-de-France, Dakar, Djibouti, Haïphong, dont l’importance doit être considérablement accrue par l’ouverture et le développement des moyens de communication.

Si les terrains avoisinants et qui sont englobés dans le périmètre des travaux ,ont été concédés en toute propriété, il devient indispensable de procéder à l’expropriation et les colonies se trouvent de ce fait obligées de payer des indemnités souvent considérables pour le rachat de terrains sur lesquels une administration prévoyante aurait su conserver ses droits.

Dans le cas même où de simples permissions d’occupation temporaires ont été accordées, il advient que des contestations s’élèvent sur la nature de ces permissions spécialement dans le cas où des textes ont suspendu l’inaliénabilité des cinquante pas géométriques Si la priorité de l’occupation n’a pas été nettement stipulée. les tribunaux hésitent souvent à déposséder les occupants, sans indemnités, en raison de l’exception de bonne foi invoquée dans la plupart des cas. Si, par contre, le caractère nettement temporaire de la permission se trouve bien établi mais que les installations soient de quelque importance, l’administration locale se croit fréquemment obligée moralement d’accorder une compensation pécuniaire ou autre aux occupants dépossédés.

Ce qui vient d’être dit des travaux publics s’applique également aux travaux de défense militaire ou maritime que peut nécessiter la garde de nos colonies.

Il parait inutile d’insister davantage et la nécessité de se tenir, en ces matières dans les limites du droit le plus strict, aussi bien dans l’intérêt de l’Etat et des colonies que dans celui des concessionnaires ou des occupants, ne vous échappera pas.

Vous voudrez bien, en conséquence, n’accorder désormais les concessions ou les permissions d’occupation temporaire des terrains avoisinant immédiatement les ports qu’avec la plus grande circonspection et qu’après vous être assuré par une étude préalable, que l’occupation des périmètres attribués ne préjudiciera en rien au développement de l’outillage économique de nos possessions ou à leur défense. Il vous sera d’ailleurs loisible. si des doutes s’élevaient à cet égard, d’en référer au Département.

Quoiqu’il en soit. je vous prie de ne plus accorder ni concessions ni permissions de l’espèce, sans spécifier nettement dans l’acte d’attribution que les concessions attribuées à titre provisoire, sont, dans tous les cas

révocables ad mutum pour les besoins d’utilité générale dûment démontrés, et qu’aucune indemnité ne pourra être réclamée par les intéressés dans le cas où ils viendraient à ètre dépossédés, en raison de l’exécution de travaux d’utilité publique ou de constructions d’ouvrages militaires ; quelle que soit. d’ailleurs, l’importance des installations qu’ils auraient édifiées.

A, LEBRUN.