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Décret n° 16-265-1918 instituant un commissariat général chargé du contrôle : 10 des militaires français d’origine coloniale: 20 des militaires et travailleurs indigènes originaires des possessions africaines dépendant du ministère des colonies.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT

DECRETE

A nous a paru opportun de centraliser, en les développant, les organismes de contrôle qui, dans les ministères de la guerre et des colonies, ‘sont chargés de maintenir, dans des conditions matérielles et morales les plus favorables, les militaires francais d’origine coloniale et les militaires et travailleurs indigènes originaires des possessions africaines dépendant du ministère des colonies.

La participation de plus en plus large que les coloniaux ont apportée à la France en guerre a posé un certain nombre de problèmes qui

devront être résolus immédiatement.

Parmi ces problèmes qui impliquent toutes les réformes de notre action en pays d’outre-mer, ceux qui concernent la politique indigène sont les plus complexes et les plus urgents.

Leur mise au point appelle une connaissance une expérience précise du milieu et des hommes et une large compréhension des conditions,

dans lesquelles doit s’exercer notre autorité.

L’après-guerre aux colonies préoccupe vivement tous ceux qui s’intéressent à l’avenir et au succès de notre expansion. On peut dire que tous ceux-là recherchent les occasions d’exprimer leurs conceptions, d’affirmer leurs préférences, de faire prévaloir leurs méthodes.

Les Gouverneurs généraux, dans leur action locale, s’appliquent à dégager el à fixer les principes de la politique nouvelle, qui s’élabore

sous la pression des circonstances.

Le Parlement, de son côté, recherche les formules qui répondent das antage à notre organisation démocratique et au tempérament de notre race, Il incline nettement vers une politique très large d’association qui fera à l’indigène sa place légitime dans le cadre de notre action colonisatrice. En un mot, une préoccupation domine : celle de savoir comment se développera, dans la paix, l’évolution née de la guerre et brusquée par les exigences sans cesse accrues de celle-ci.

L’expérience qui vient d’être faite en Afrique Occidentale française a projeté une vive lumière sur l’ensemble des problèmes qui, aujourd-hui, s’offrent à l’examen des pouvoirs publics et qui, demain, réclameront les solutions complètes.

C’est à la lumière de cette expérience — de ces résultats — que la nécessité de l’organisation nouvelle que nous vous proposons apparait, si’impose.

Il y a en France, en dehors des contingents militaires recrutés dans nos diverses colonies, des travailleurs de même race. Tous se trouvent placés en Europe dans des conditions très différentes de leur milieu. Ce sont, au sens le plus fort du mot, des déracinés.

Cette situation n’a pas échappé au gouvernement qui s’est appliqué à réaliser des organisations destinées à remédier aux principaux inconvénients d’un pareil état de choses. Des résultats intéressants ont été acquis qu’il faut développer, généraliser.

Le moral de res hommes, vis-à-vis desquels nos devoirs de tutelle sont désormais plus précis, plus hauts, doit faire l’objet d’une per-

manente attention. Leur évolution ne doit s’accomplir que suivant un rythme qu’il nous appartient de régler. Il ne faut pas perdre de vue

que chacun de ces indigènes rapportera dans ses foyers tout un ensemble d’impressions auquel il restera soumis et qui conditionnera, si l’on peut dire, ses sentiments à l’égard de notre pays.

D’autre part, leur plein rendement reste subordonné à l’utilisation rationnelle que l’on peut faire de leurs aptitudes. Placés dans des conditions favorables, matérielles et morales, on peut tout demander à ces hommes, tout obtenir d’eux. Ce sont ces conditions qu’il faut

déterminer et réaliser avec le plus grand soin, sous peine de faire perdre à notre influence le bénéfice des transformations qui vont s’opérer dans la mentalité des indigènes appelés à vivre sur notre sol en contact avec notre civilisation.

Il apparait donc nécessaire de confier cette tâche à un organisme spécial qui aura pour altribution de coordonner tous les efforts, d’imprimer à toutes les formes de notre action la même orientation, d’assurer la liaison entre toutes les initiatives, de réaliser l’unité dans une œuvre dont les développements sont particulièrement complexes: enfin, de préparer l’avenir qui sera fonction de l’intelligence et de la souplesse des dispositions que nous aurons à prendre en conformité des engagements solennels que nous avons contractés et des devoirs impérieux qui nous incombent au titre d’éducateurs.

L’institution du commissariat général, dont nous vous proposons la création non seulement permettra, comme nous l’avons indiqué, de

maintenir constamment nos soldats et travailleurs d’origine coloniale” dans des conditions matérielles et morales les plus favorables, de manière à conserver, aux premiers, le maximum de valeur combative, à rendre le travail des seconds toujours plus productif pour la défense nationale, mais encore elle assurera le loyalisme et la reconnaissance dévouée de ces contingents quand ils seront de retour dans leur pays d’origine.

Si vous voulez bien adopter celte manière de voir, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir revêtir le décret ci-joint de votre signature.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président, l’hommage de notre profond respect.

 

 

Le président du Conseil, ministre de la guerre,

GEORGES CLÉMENCEAU.

Le ministre des colonies.

HENRY SIMON.