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Décret n° 2-185-1912 le 2 mars 1912.
- Mesure: Générale
- Date de Publication:
Le Président de la République Française,
Vu l’article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 :
Vu l’article 4 du décret du 17 décembre 1858 ;
Vu le décret du 4 février 1904 portant organisation de la justice à la côte française des Somalis et dépendances ;
Sur le rapport du Ministre des Colonies et du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ;
DECRETE
Art. 1er, — A la côte française des Somalis et dépendances, les avocats-défenseurs ont seuls qualité pour plaider et conclure en toute matière devant le tribunal d’appel et les tribunaux français et indigènes ainsi que pour faire et signer tous actes nécessaires à l’instruction des causes civiles et commerciales et l’exécution des jugements.
Toute partie peut, néanmoins, sans leur assistance, plaider et postuler, soit pour elle-même, soit pour ses cohéritiers, coassociés et consorts, soit pour ses parents ou alliés en ligne ascendante, descendante ou collatérale, jusqu’au second degré inclusivement. Les maris peuvent, de même, plaider ou postuler pour leur femme, les tuteurs ou curateurs pour leurs pupilles.
Les parties se présenteront en personne devant les divers tribunaux, il leur sera néanmoins loisible de se faire assister ou représenter par un avocat défenseur ou par un mandataire, mais, dans ce dernier cas, en vertu seulement d’une autorisation spéciale du juge président.
Art. 2. — Les avocats-défenseurs devront, comme les mandataires, obtenir, pour chaque affaire, et spécialement, l’agrément des présidents des divers tribunaux lorsque seront en cause les indigènes, sujets ou protégés français.
Art. 3. — Les avocats justifiant de leur inscription aux tableaux dressés dans la métropole ou dans les autres colonies françaises ou pays de protectorat, pourront être autorisés, par le chef du service judiciaire à plaider à la côte française des Somalis et dépendances dans une ou plusieurs affaires déterminées.
Art. 4 — Pour pouvoir exercer comme avocat-défenseur, et être inscrit en cette qualité, au tableau de Djibouti, tableau qui sera dressé par le tribunal d’appel de la Colonie, les conditions suivantes sont exigées :
1° Etre citoyen français ;
2° Etre âgé de vingt-cinq ans accomplis ;
3° Etre pourvu du diplôme de licencié en droit ;
4° Avoir été inscrit pendant deux années au moins à un barreau de France, en Algérie ou dans les colonies ou pays de protectorat français, ou avoir rempli pendant deux ans des fonctions judiciaires ou administratives ou enfin justifier de deux années de cléricature en France, en Algérie, dans les colonies ou pays de protectorat français, toutefois les fonctionnaires ayant été en service dans la
colonie ne pourront être admis à l’exercice de la profession d’avocat défenseur qu’après une période de deux années à compter de la date de la cessation de leurs fonctions par suite d’admission à la retraite, de révocation ou de toute autre cause.
5° Justifier de sa moralité ;
6° Justifier du versement à la caisse des dépôts et consignations d’une somme de
1.000 francs à titre de cautionnement.
Art. 5. — Celui qui demandera à être nommé avocat défenseur présentera sa requête, avec pièces à l’appui, au chef du service judiciaire qui, après enquête et avis du tribunal d’appel, transmettra le dossier avec son avis, au gouverneur de la colonie. Ce dernier délivrera, s’il y a lieu, par arrêté pris en conseil d’administration et contresigné du chef du service judiciaire, une commission d’avocat défenseur.
Art. 6. — Les avocats défenseurs doivent résider dans la colonie. Ils pourront s’en absenter sans autorisation, mais devront informer, par écrit, le chef du service judiciaire de leur départ.
Après deux années d’absence de la colonie, et sauf excuse légitime, les avocats défenseurs seront, sur la proposition du chef du service judiciaire et après avis du tribunal d’appel, déclarés démissionnaires par arrêté du gouverneur.
Art. 7. — En cas d’absence ou d’empêchement, l’avocat défenseur pourra se faire remplacer par un secrétaire réunissant les conditions énumérées à l’article 4 du présent décret et agréé dans les formes prescrites pour les nominations des avocats-défenseurs. Le secrétaire, dans ce cas, exerce sous la responsabilité de l’avocat-défenseur et la garantie de son cautionnement.
Art. 8. — La discipline des avocats défenseurs appartient au chef du service judiciaire, il leur donne tout avertissement qu’il juge nécessaire et prononce contre eux et après les avoir entendus le rappel à l’ordre, la censure simple et la censure avec réprimande.
Le gouverneur statue, par arrêté, sur la suspension, le remplacement et la destitution sur le rapport du chef du service judiciaire, rapport établi après avis du conseil d’appel qui entend l’avocat défenseur dans ses moyens de défense.
Le recours au Ministre des Colonies est ouvert contre la décision du gouverneur prononçant la destitution. Ce recours n’est pas suspensif de la peine qui sera provisoirement appliquée.
Les peines disciplinaires prévues au présent décret ne font en aucun cas obstacle aux poursuites devant les tribunaux de répression, s’il y a lieu.
Art. 9. — Les tribunaux peuvent, soit d’office, soit à la requête du ministère public, prononcer le rappel à l’ordre ou la censure contre l’avocat défenseur qui, à l’audience ou dans les écrits produits en justice, s’écartera du respect dû aux lois et aux autorités publiques ou manquera à ses devoirs.
Les décisions des tribunaux de paix et du premier degré sont susceptibles d’appel devant le conseil d’appel.
Lorsqu’il y a lieu à application d’une peine plus élevée le gouverneur statue sur la proposition du chef du service judiciaire, proposition établie sur les rapports et procès-verbaux dressés sans délai par le tribunal en cause et auquel sont jointes les explications écrites de l’avocat défenseur.
Art. 10. — Il est interdit aux avocats défenseurs, sous peine de destitution :
1° D’exercer des fonctions publiques salariées ;
2° D’exercer habituellement toute autre profession et toute espèce de négoce ;
3° D’occuper des fonctions d’administrateur ou de membre du Conseil d’administration de toute société industrielle ou commerciale, de directeur de journal ayant un caractère commercial.
4° De se rendre possesseur de droits successifs ou litigieux ;
5° De rien dire ou publier comme défenseur ou conseil de contraire aux lois, décrets et règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’Etat ou à la paix publique ;
6° De s’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ;
7° De recevoir des honoraires des parties qu’ils sont appelés à défendre d’office.
Art. 11. — Avant d’entrer en fonctions, les avocats-défenseurs prêteront à l’audience du tribunal d’appel et après avoir justifié du versement à la caisse des dépôts et consignations du cautionnement exigible, le serment suivant :
« Je jure de ne rien dire ou de publier, « comme défenseur ou conseil, de contraire « aux lois, décrets, arrêtés et règlements « applicables à la colonie, aux bonnes mœurs, « à la sûreté de l’Etat et à la paix publique, « de ne jamais m’écarter du respect dû aux « tribunaux et aux autorités publiques, et « de ne plaider aucune cause que je ne croirais pas juste en mon âme et conscience. »
Art. 12. — Les avocats-défenseurs se présentent en robe aux audiences et portent les insignes de leur grade. Ils plaident debout et sont autorisés à se couvrir, sauf lorsqu’ils lisent leurs conclusions.
Art. 13. — Les particuliers exerçant actuellement la profession de défenseur près les tribunaux de la colonie, devront, dans un délai de trois mois, obtenir la commission prévue par le présent décret.
Art. 14 — Le Ministre des Colonies et le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.
A. FALLIÊRES
Par le Président de la République,
Le Ministre des Colonies,
A. LEBRUN.
Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
Aristide BRIAND.