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Décret n° 4 juin 1938 relatif à l’organisation de la justice indigène à la Côte française des Somalis.
- Mesure: Générale
- Date de Publication:
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT
Le Président de la République française,
Vu l’article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 ;
Vu le décret du 1er décembre 1858 ;
Vu le décret du 4 février 1904, portant organisation de la justice française à la Côte française des Somalis et les décrets modificatifs ;
Vu le décret du 30 décembre 1912 sur le régime financier des colonies, et les décrets modificatifs ;
Vu le décret du 15 novembre 1924, portant réglementation des sanctions de police administrative en Afrique occidentale française, en Afrique équatoriale française, à Madagas car et à la Côte française des Somalis; Vu le décret du 8 décembre 1924 relatif à la répression de la traite à la Côte française des Somalis ;
Vu le décret du 23 mai 1925, instituant un mode de constatation écrite des conventions passées entre indigènes à la Côte française des Somalis ;
Vu le décret du 5 mars 1927, déterminant les pouvoirs des gouverneurs quant à l’administration de la justice;
Vu le décret du 2 avril 1927, portant réorganisation de la justice indigène à la Côte fran çaise des Somalis et les décrets modificatifs;
Sur le rapport du Ministre des colonies et du garde des sceaux, ministre de la justice.
DECRETE
Art. 1er. La justice, en matière indigène, est rendue à la Côte française des Somalis et dépendances par :
— des tribunaux de conciliation ;
— des tribunaux de premier degré;
— des tribunaux de deuxième degré ;
— un tribunal d’homologation.
Art. 2. Sont justiciables des juridictions indigènes énumérées à l’article 1er ci-dessus les individus nés à la Côte française des Somalis et dépendances qui ne possèdent pas la qualité de citoyen français, ainsi que les allogènes asiatiques ou africains qui n’ont pas dans leur pays d’origine le statut des nationaux européens ou qui ne peuvent exciper d’une convention diplomatique les assimilant aux nationaux européens.
Le justiciable qui, dès le début de l’instance,ne s’est pas prévalu d’un statut susceptible de le soustraire à la juridiction indigène ne pourra pas attaquer de ce chef le jugement intervenu.
Il incombe à l’intéressé de rapporter en temps utile la preuve du statut invoqué.
Le cas échéant, il peut être mis en demeure de la faire dans un délai prescrit par décision judiciaire.
A l’expiration de ce délai et à défaut de la justification requise, il est passé outre au jugement.
CHAPITRE 1er.
TRIBUNAUX DE CONCILIATION.
Art. 3. En matière civile et commerciale, la tentative de conciliation est obligatoire.
Le cadi de Djibouti pour le cercle de Djibouti, un assesseur du tribunal de premier degré désigné par l’administrateur du cercle ou le chef de subdivision pour les autres cer cles de la colonie, sont investis du pouvoir de concilier les parties qui les saisissent de leurs litiges lorsque ces parties comptent par mi leurs ressortissants.
L’accord intervenu acquiert la force pro bante des actes sous seings privés lorsqu’il est constaté en présence du conciliateur et des parties dans les formes établies par le décret du 23 mai 1925 instituant un mode de constation écrite des conventions passées entre indigènes à la Côte française des Somalis.
S’il demeure à l’état de convention verbale, il possède la valeur reconnue par la coutume aux conventions de cette nature.
L’accord verbal ou écrit peut être déféré pour annulation au tribunal d’homologation si le procureur de la République dûment saisi par l’administrateur du cercle ou par l’une des parties estime, d’accord avec le gouver neur, qu’il est contraire à l’ordre publie.
Ce préliminaire de conciliation ne fait pas obstacle à l’engagement ultérieur des instances.
Art. 4. — Le chef de subdivision ou. au cacf-lieu de cercle, le fonctionnaire désigné pour présider le tribunal de premier degré est seul investi des pouvoirs de conciliation dans les cas suivants :
1° S’il estime que le litige est susceptible d’entraîner des répercussions administratives ou politiques :
2° Lorsqu’une question de compétence sera soulevée :
3° Lorsque l’affaire implique l’examen de preuves écrites ou une vérification de comptes.
Lorsqu’il siège comme juge conciliateur, le chef de subdivision ou le fonctionnaire président du tribunal du premier degré est assisté de ses deux assesseurs de la catégorie des parties en cause, choisis parmi ceux du tribunal de premier degré.
Art. 5. Si la conciliation aboutit à un accord écrit, procès-verbal en est aussitôt dressé sur un registre spécial.
Il doit obligatoirement comprendre, à peine de nullité :
1° Les noms du juge, des assesseurs et des partles cont ractantes :
2° La nature du litige éteint:
4° La mention du consentement des parties;
5° La signature du juge conciliateur et celle des parties sachant signer.
Art. 6. La convention établie dans ces formes acquiert force obligatoire.
En cas de non exécution, le tribunal de premier degré ne peut être appelé à statuer que sur les voies et moyens d’exécution.
Si la conciliation n’aboutit pas, les parties sont renvoyées à se pourvoir devant le tribunal de premier degré.
Au cas où la conciliation contiendrait des dispositions contraires à l’ordre public, le procureur de la République pourrait se pour voir d’office.
CHAPITRE II.
TRIBUNAUX DE PREMIER DEGRÉ,
Organisation.
Art. 7. Les tribunaux de premier degré sons institués par des arrêtés du gouverneur qui fixent le siège et le ressort de chaque tribunal et en déterminent la composition con formément aux dispositions des articles 8 et 9 ( i-après. Ces tribunaux peuvent tenir des audiences foraines dans les conditions déterminées par l’article 9 ci-après.
Art. 8. Le tribunal de premier degré est composé d’un président et de deux assesseurs ayant voix délibérative.
Les fonctions de président sont remplies par le chef de subdivision ou un fonctionnaire dé signé à cet effet par le chef de la colonie.
Les fonctions d’assesseurs ne peuvent être remplies que par des indigènes.
Tout emploi rétribué par la colonie en dehors de celui d’Okal, de chef de tribu, de groupe de tentes, de village et pour Djibouti, de chef de quartier, est incompatible avec les fonctions dassesseurs.
Il est tenu registre des jugements rendus.
Art. 9. — Au 1er janvier de chaque année, une liste de huit notables indigènes au moins est arrêtée par le gouverneur sur la proposition des administrateurs des cercles.
Elle doit être complétée dans la même forme lorsqu’il y a lieu de pourvoir à des vacances ou à des remplacements. Cette liste est composée de façon à permettre la représentation de toutes les coutumes.
Les deux assesseurs titulaires sont désignés sur cette liste par le gouverneur. Les notables figurant sur la liste et qui n’ont pas été dé signés pour exercer ces fonctions reçoivent le titre d’assesseurs adjoints.
En cas d’empêchement d’un assesseur titulaire, il est remplacé par le plus ancien des assesseurs adjoints.
Toutefois, en matière civile et commerciale, lorsque la coutume des parties ou de l’une des parties n’est pas représentée par les asses seurs appelés à siéger conformément aux dis positions précédentes.
ceux ci sont remplacés pour la partie de l’audience consacrée à la cause en question par des assesseurs adjoints choisis de manière que, autant que possible, la coutume de chaque partie se trouve représentée au sein du tribunal.
Lorsque aucun des assesseurs titulaires et assesseurs adjoints ne représente la coutume de l’une des parties et si cette coutume est représentée dans la localité où siège le tribunal par un notable indigène jouissant de l’eslime publique, le président du tribunal peut inviter ce notable à siéger à côté et en plus des deux assesseurs, avec voix consultative.
Il est tenu de le consulter et mention de la consultation et de son résultat est faite au jugement.
Le tribunal de premier degré siégeant en audience foraine peut, à défaut d’assesseurs désignés dans les conditions précitées, être constitué avec l’assistance de deux chefs ou notables indigènes désignés par le président dans les conditions arrêtées par le gouverneur.
Art. 10. – Lorsqu’il existe des motifs d’abstention pour l’un des membres indigènes de ces tribunaux, le président du tribunal décide si ce magistrat doit s’abstenir.
Dans l’affirmative, il le remplace par l’un des assesseurs adjoints dans les conditions stipulées à l’article précédent. Lorsque des motifs d’abstention existent à la fois pour la totalité des membres indigènes d’un tribunal de premier degré et des assesseurs adjoints, la cause est renvoyée par l’administrateur du cercle devant un tribunal de même degré de son cercle.
Enfin, lorsque des motifs existent pour les divers tribunaux de premier degré d’un cercle, il appartient au gouverneur de renvoyer devant un tribunal de même degré d’un autre cercle.
La même procédure est suivie en cas de refus de siéger de la part d’un ou plusieurs membres d’un tribunal de premier degré.
Matière civile et commercicale.
Art. 11. — En matière civile et commerciale, le tribunal de premier degré connaît en premier ressort et à charge d’appel devant le tribunal du second degré de tous les litiges leur les parties le saisissent après échec de la tentative de conciliation.
Art. 12. — Il n’existe d’aut res formes de procédure que celle résultant des coutumes locales.
L’instance est exclusivement introduite par une requête adressée oralement ou par écrit au chef de subdivision ou au fonctionnaire désigné pour présider le tribunal.
Les parties sont tenues de comparaître en personne.
Toutefois, en cas d’impossibilité ou d’incapacité elles peuvent se faire représenter par mandataires choisis parmi leurs parents ou les notables indigènes de leur groupement ethnique dont la qualité aura été reconnue par le tribunal.
Le tribunal statue comme si toutes les parties étaient présentes, dans le cas où l’une d’elles, dûment convoquée, ne comparaît pas ou ne se fait pas représenter comme il est prévu ci-dessus.
Il fixe les moyens d’instruction de l’affaire suivant les coutumes locales.
Pour l’instruction et l’audience, il peut être fait appel aux services d’interprète désignés par le tribunal.
Les parties peuvent, en outre, s’exprimer par l’intermédiaire d’un interprète choisi par elles et agréé par le tribunal.
Art. 13. — Le jugement rendu par défaut est susceptible d’opposition dans le délai de quinze jours à compter de la notification faite à la partie défaillante à la diligence du président du tribunal.
En cas d’absence dûment constatée de la partie condamnée par défaut, le délai d’opposition est porté à un mois à compter du jour de la notification faite à son chef de tribu ou de groupe de tentes ou pour Djibouti, à son chef de quartier.
Les délais d’opposition et d’appel sont indiqués lors de la notification.
Art. 14. — Le délai pour interjeter appel est d’un mois à partir du jour du prononcé du jugement s’il est contradictoire.
Si le jugement est rendu contre une partie défaillante, le délai d’un mois court du jour de l’expiration des délais d’opposition.
Art. 15.— appel est formé par une simple déclaration verbale ou écrite au président du tribunal qui le consigne à la suite ou en marge du jugement et délivre récépissé sans frais à l’appelant et en donne avis à la partie intéressée.
Dès que l’appel est formé, une copie du jugement, annotée comme il est lit ci -dessus, est transmise dans le plus bref délai par le président du tribunal au président du tribunal de deuxième degré «pii, dans le délai d’un mois à compter du jour de la réception du jugement, convoque les parties à comparaître devant lui.
L’appelant qui succombe peut être condamné à une amende de 1 à 100 francs.
Les parties sont obligatoirement informées par la président du tribunal de leur droit d’appel de l’amende à laquelle elles s’exposent et mention de cette notification doit être portée au jugement.
Art. 16. — Au cas où le jugement n’a pas ordonné de mesures provisoires d’exécution, l’administrateur du cercle, sur la requête de la partie intéressés et lorsqu’il y a lieu de craindre la dissipation «lu gage, peut ordonner pendant le délai d’appel telle mesure conservatoire qui deviendrait nécessaire à charge de la mentionner à la suite et en mar ge du jugement.
Matière rèpressive.
Art. 17. — En matière répressive, le tribunal de premier degré connaît, à charge d’appel devant de tribunal de deuxième degré.
Je tous les faits punissables judiciairement, à l’exclusion :
1° Des infractions réservées au tribunal de deuxième degré :
2° Des infractions qui auront été commises au préjudice d’Européens ou assimilés et de celles qui auront été commises d complicité avec un Européen ou assimilé, lesquelles sont te la compétence «les tribunaux français. Il connaît également des infractions sanctionnées par des peines disciplinaires commises par les indigènes soustraits par les rè glements au régime de l’indigénat, sauf en e «pli concerne les exemptes justiciables du tribunal de second degré.
Il ne peut être saisi que par l’administrateur du cercle ou par le chef de subdivision soit l’office, soit sur la dénonciation des Okals, des chefs de tribu, de groupe de tentes ou. pour Djibouti, des chefs de* quartier, soit sur la plainte de la partie lésée.
Art. 18. — Le président du tribunal est chargé de suivre la dénonciation ou la plainte.
Il décerne les mandats d’amener et de dépôt.
Tout mandat doit énumérer le nom de l’autorité qui l’a décerné, le nom et le sexe de l’indigène auquel il s’applique avec, autant que possible, la désignation de sa filiation, de son lieu de naissance et de sa résidence, le motif pour lequel il a été décerné.
Le mandat est daté et signé.
Art. 19. — Le président de tribunal peut adresser des commissions rogatoires.
Il peut se transporter au domicile du pré venu pour y faire la perquisition des papiers, effets, etc.
Il peut pareillement se transporter en tous autres lieux, où il suppose que sont déposés les objets dont il est parlé au paragraphe précédent.
Procès-verbal de ces opérations et, le cas échéant, inventaire des objets ou effets saisis sont dressés par lui.
Il peut citer les personnes qui lui seront indiquées comme ayant eu connaissance du délit ou de ses circonstances.
Les témoins régulièrement cités et qui ne se seront pas présentés pourront être punis par le tribunal d’une amende n’excédant pas 100 francs.
Toutefois, les témoins non justiciables des tribunaux indigènes, ne seront pas tenus de comparaître à l’audience.
Leurs dépositions seront reçut soit par le chef de subdivision, soit par l’administrateur du cercle, soit sur commission rogatoire.
Les déposit ions dos témoins non présents à l’audience seront lues au cours des débats par le président.
Lorsqu’un justiciable des tribunaux francais n’aura pas répondu à une citation ou aura tenté de s’opposer à l’exécution du mandat d’un président de tribunal indigène, procès-verbal sera dressé mire lui par le président du tribunal et transmis au procureur de la République pour la suite qu’il appartiendra.
Art. 20. Le prévenu arrêté préventive ment doit être interrogé, dans de plus bref délai qui ne pourra, sauf cas de force majeure dûment constaté, decéder deux jours, par de président du tribunal, qui de place sous mandat de dépôt ou ordonne son élargissement.
Dans des cas de flagrant délit, et dans tous les cas où l’affaire est en état, il est procédé au jugement dans de plus bref délai possible et, au plus tard, à la première audience du tribunal.
Hors de cas de flagrant délit et si l’affaire n’est pas en état de recevoir un jugement immédiat, l’affaire doit être portée au rôle de la première audience et appelée.
Si elle est reconnue insuffisamment instruite, elle est renvoyée par jugement sommaire à la prochaine audience.
Elle peut ainsi faire l’objet de plusieurs renvois successifs, mais chaque jugement de renvoi doit statuer sur le maintien du mandat de dépôt.
Art. 21. — Les prévenus doivent comparattre en personne et présenter eux-mêmes leur défense.
Toutefois, la président du tribunal peut les autoriser à se faire assister par un mandataire choisi parmi leurs parents ou les notables indigènes de leur groupement ethnique dont la qualité aura été reconnue par le tribunal.
En cas de non-comparution du prévenu régulièrement cité il est statué par défaut, sauf le cas où le président juge nécessaire on utile une nouvelle convocation.
Les jugements rendus par défaut sont anéantis de plein droit lorsque de condamné est arrêté ou se représente avant que la peine soit éteinte par prescription et il est procédé à de nouveaux débats en la forme ordinaire.
Toutefois, lorsqu’une simple peine d’amende aura été prononcée, tout jugement rendu par défaut doit être signifié par les soins de l’autorité administrative au condamné, soit à personne, soit à domicile, et mentionner, en te nant compte des détails de distance à observer, la date à laquelle ce dernier sera appelé à comparaître devant le tribunal.
Si l’intéressé ne se présente pas à la date fixée, de tribunal prononce un nouveau jugement et la décision qui sera rendue sera réputée contradictoire.
Pour l’inst ruct ion et l’audience, il peut être fait appel aux services d’interprètes désignés par le tribunal.
Art. 22. — Si le jugement est contradictoire, le président du tribunal, aussitôt après le prononcé de la sentence, est tenu de demander au condamné s’il entend interjeter appel.
Il doit faire une mention spéciale au jugement de l’accomplissement de cette formalité.
Le condamné peut faire, séance tenante, sa déclaration d’appel qui est consignée à la suite ou en marge du jugement et dont récépissé lui est délivré sans frais.
Si l’appel n’est pas interjeté à l’audience, il peut encore être fait par déclaration au président du tribunal dans les quinze jours qui suivent.
Cette déclaration est inscrite et il en est délivré récépissé, comme il est dit ci-dessus.
Art. 23. Lappel peut étre interjeté dans les mêmes formes et délais par la partie lésée en ce qui concerne la partie du jugement statuant sur 1re restitutions, 1re dommages-intérôts autres intérêts civils.
Le droit d’appel est également ouvert à l’administrateur du cercle qui doit en faire la déclaration dans le délai de quinze jours à compter de la date du prononcé du jugement.
Cette déclaration doit être inscrite à sa date sur le registre des jugements d’appel rendus en matière répressive.
L’appel émanant du condamné seul ne peut jamais avoir pour conséquence une aggravation de sa peine.
Art. 21. En cas d’appel, les condamnés détenus sont transférés au chef-lieu du cercle avec les pièces du procès et une copie du jugement.
Ils sont jugés dans le mois qui suit la date de leur arrivée, qui doit être mentionnée dans le jugement d’appel.
Ils peuvent cependant ne pas être transférés, si l’administrateur du cercle en donne l’ordre exprès.
Dans ce cas, et sous la condition qu’ils soient présents, il doit être statué dans le mois sur l’appel, en audience foraine du tribunal du deuxième degré.
Les condamnés non détenus sont convoqués par les soins du président du tribunal de secoud degré dans le délai le plus bref.
Si l’état de leur santé ou toute autre cause les empêche de répondre à la convocation, ils in forment le président du tribunal de second degré qui, alors, peut juger sur pièces ou ré server le procès pour la plus prochaine audience foraine.
CHAPITRE III.
TRIBUNAUX DU SECOND DEGRÉ.
Organisation.
Art. 25. — Au chef-lieu de chaque cercle, il est institué un tribunal indigène de second degré composé d’un président qui est l’administrateur du cercle et de ses assesseurs indigènes ayant voix consultative.
Ceux-ci doi vent être obligatoirement consultés et mention de cette consultation et de son résultat est insérée au jugement.
Ils sont désignés par de gouverneur sur une liste de six notabes au moins, établie et tenue au complet dans les conditions prévues à l’article 9 pour les tribunaux de premier de gré.
Sur cette liste ne peut figurer aucun indigène exerçant un emploi rétribué par la colonie, à l’exception de celui d’Okal, de chef de tribu, de groupe de tentes ou, pour Djibouti, de chef de quartier.
En cas d’empêchement dûment justifié, le président du tribunal de second degré est remplacé par le fonctionnaire ou officier appelé à le suppléer momentanément dans ses fonctions administratives, à condition que celui-ci n’ait pas rendu le premier jugement, s’il s’agit de statuer sur un appel.
En cas d’empêchement des assesseurs ou de leur refus de siéger ou en vue d’assurer la représentation des coutumes des parties au sein du tribunal, il est procédé comme il est dit aux articles 9 et 10 pour les tribunaux de premier degré.
Art. 26. — Les présidents des tribunaux de second degré peuvent tenir des audiences foraines dans une localité quelconque de leur ressort.
Les assesseurs sont alors choisis fa cultativement parmi ceux du tribunal de se cond degré ou parmi ceux du tribunal de premier degré, à la condition, s’il s’agit d’un appel, que ceux-ci n’aient pas connu de l’affaire en premier ressort, ou à défaut, parmi les chefs et notables du lieu désigné par le président, dans les conditions arrêtées par le gouverneur.
Les administrateurs des cercles peuvent dé léguer la présidence du tribunal du deuxième degré siégeant en audience foraine, soit à leur adjoint, soit au chef de la subliv ision où se tient Faudience, à la condition que ceux-ci n’aient pas rendu le premier jugement s’il s’agit de statr sur un appel.
Art. 27. — Lorsqu’il existe des causes d’ab stention pour l’un des assesseurs, le président décide si ce magistrat doit s’abstenir et, dans l’affirmative, il de remplace par l’un des nota bles inscrits sur la liste, selon les règles posées pour les tribunaux de premier degré aux articles 9 et 10.
Matière civile et commerciale.
Art. 28. En matière civile et commerciale le tribunal de second degré connaît de l’appel de tous les juge monts des tribunaux de pre mier degré de son ressort
La comparution des parties et l’instruction sont soumises aux dispositions prévues à l’article 12.
Matière répressive.
Art. 29. En matière répressive, le tribu nal de second degré connaît de l’appel des jugements des tribunaux de premier degré de son ressort.
Il peut, s’il le juge utile, ordonner un supplément d’information.
Il connaît, en outre, directement :
1° Des infractions suivantes :
a) Le meurtre:
b) Les coups, blessures, violences volon taires ayant entraîné, soit la mort, soit une mutilation, soit la perte d’un membre ou d’un œil ou autre infirmité permanente quelconque ;
c) Les faits de pillage ou de vols en bande et à main armée, ou avec l’une de ces deux circonstances seulement :
d) Les incendies volontaires de locaux habités ou servant à habitation:
e) Les rapts, enlèvements et séquestrations de personnes :
f) Les empoisonnements des puits. citernes, sources et eaux potables;
g) Le viol ;
h) Les soustractions ou détournements de deniers publics:
i) Les faits de traite prévus et réprimés par de décret du 8 décembre 1924;
j) Les attentats ou complots tendant à troubler de quelque manière que ce soit la paix intérieure de la colonie;
2° Des infractions dont les auteurs ou les victimes sont des fonctionnaires indigènes ou des indigènes agents de l’autorité.
La liste des agents de l’autorité est fixée par arrêté du gouverneur:
3° Des infractions commises par les militaires indigènes de complicité avec d’autres indigènes non militaires :
4° Des infractions prévues par le décret du 15 novembre 1924, lorsque les délinquants sont soustraits à la procédure disciplinaire en vertu des articles 4 et 5 du décret.
Art. 30. — Le tribunal de deuxième degré est saisi uniquement par l’administrateur du cercle en appel, comme il a été spécifié aux articles 22 et 23, en premier ressort, soit d’offine, soit sur la dénonciation d’un représen tant de l’autorité, soit sur la plainte de la partie lésée.
Art. 31. — Le président du tribunal de deuxième degré peut adresser des commis sions rogatoires, décerner des mandats d’amener, de dépôt et exercer les pouvoirs d’instruction spécifiés aux articles 18 et 10.
Art. 32. — Le prévenu arrêté doit être interrogé sans délai et au plus tard dans les vingt-quatre heures de son arrivée au siège du tribunal, par le président du tribunal ou le fonctionnaire ou l’officier qui le remplace.
A la suite de cet interrogatoire, il est mis sous mandat de dépôt ou relaxé. Dans le cas de flagrant délit, et dans tous les cas où l’affaire est en état, il est pro cédé au jugement à la première audience régulière qui suit la mise sous mandat de dépôt.
Si l’affaire n’est, par en état d’être jugée à cette audience, une instruction préalable est obligatoirement ouverte.
Cette instruction, faite par le président du tribunal ou par un fonctionnaire on officier désigné par lui, comprend les interrogatoires des prévenus, les dépositions des témoins con signés dans des procès-verbaux de constat et de vérification et tous autres documents réu nis pour la manifestation de la vérité.
Dès la clôture de l’instruction, s’il n’est pas intervenu d’ordonnance de non-lieu, et à la première audience régulière, le prévenu est traduit devant le tribunal de deuxième degré pour y être jugé.
Si le jugement nécessite plusieurs audiences, les renvois dûment motivés sont constatés dans de jugement.
Art. 33. — Le prévenu comparait en personne.
Tout prévenu peut se faire assister, devant le tribunal de second degré, d’un défenseur choisi parmi ses parents ou parmi les no tables indigènes du lieu de son domicile, dont la qualité aura été reconnue par le tri bunal.
Lorsque le prévenu est traduit devant le tribunal pour faits qualifiés crimes, le président désigne un défenseur d’office, choisi parmi les fonctionnaires ou agents européens, en résidence dans la localité.
Si cette désignation n’est pas possible ou si le prévenu refuse l’assistance du défenseur ainsi désigné, le président doit avertir l’accusé qu’il a le droit de se faire assister à l’audience d’un défe nseur choisi par lui. conformément aux dispositions du paragraphe précédent.
Le dispositif du jugement mentionnera : la désigna tion du défenseur européen ou les raisons qui l’ont empêchée, la présenc; de ce défenseur à l’audience ou le refus par le prévenu de se faire assister par lui. l’assistance d’un défens: tir indigène ou de refus de l’accusé d’accepter son concours.
En cas de non-comparution, il est statué par défaut.
Si de condamné est repris ou se représente avant que la peine ne soit éteinte par prescription, les jugements rendus dans ces conditions sont anéantis de plein droit et il est procédé à de nouveaux débats dans la forme ordinaire.
Toutefois, lorsqu’une simple peine d’amende aura été prononcée, tout jugement rendu par défaut doit être signifié par les soins de l’au torité administrative au condamné, soit à personne. soit à domicile. et mentionner la date à laquelle ce dernier sera appelé à compa raître à nouveau devant de tribunal.
Si l’intéressé ne se présente pas à la date fixée, le tribunal prononcera un nouveau jugement et it décision qui sera rendue sera réputée con tradictoire.
Pour l’instruction et l’audience, il peut être fait appel aux services d’interprètes désignés par le tribunal.
Art. 34. — Tous les fonctionnaires et tous les agents de l’autorité dans le cercle sont tenus de donner à l’administrateur avis de tous les crimes et de toutes les infractions pouvant être déférés aux tribunaux, dont ils auront eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.
CHAPITRE IV.
DE L’HOMOLOGATION.
Art. 35. — Les jugements des tribunaux de premier et deuxième degrés ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation, mais il est institué au chef-lieu de la colonie un tribunal d’homologation appelé à statuer dans les con ditions ci-après sur l’homologation ou l’annulation des jugements rendus par les tribunaux indigènes.
Le tribunal d’homologation statue souverainement sur les demandes en revision relatives soit aux jugements rendus par les tribunaux de premier et deuxième degrés, soit à ses propres arrêts.
Le droit de demander la révision appartiendra dans les trois premiers cas prévus par larticle 113 du code d’instruction criminelle :
1° Au gouverneur:
2° Au condamné ou en cas d’incapacité, à son représentani légal selon sa coutume:
3° Après la mort du condamné, à son conjoint, à ses enfants, à ses parents ou à ceux qui ont reçu de lui la mission expresse.
Dans le quatrième cas, au gouverneur géné ral seul qui statuera après avoir pris l’avis du conseil d’administration.
Le tribunal d’homologation sera saisi par le procureur de la République en vertu de l’ordre exprès que le gouverneur aura donné soit d’office, soit sur la réclamation des par ties indiquant un des trois premiers cas.
La demande sera non recevable si elle n’a été inscrite au gouvernement ou introduite par le gouverneur sur la demande des parties dans le délai d’un an, à dater du jour où celles-ci auront connu le fait donnant ouver ture à révision.
Si le jugement de condamnation n’a pas été exécuté, l’exécution sera suspendue de plein droit à partir de la transmission de la demande par le gouverneur au tribunal d’ho mologation.
Si le condamné est en état de détention, l’exécution pourra être suspendue par le président du tribunal d’homologation dès que le tribunal aura été saisi ou par arrêt du tribunal.
L’affaire sera instruite comme en matière d’annulation.
Le tribunal d’homologation pourra prescrire toutes mesures qu’il jugera utiles à mettre la vérité en évidence.
L’arrêt d’où résulte l’innocence d’un con damné pourra, sur sa demande, lui allouer des dommages-intérêts à raison du préjudice que lui aura causé sa condamnation.
Si la victime de lerreur judiciaire est dé cédée, le droit de demander des dommages intérêts appartiendra, dans les mêmes conditions, à son conjoint, à ses ascendants et descendants.
La demande sera recevable en tout état de la procédure en révision.
Les dommages-intérêts seront à la charge de la colonie, sauf son recours contre le dénonciateur ou le faux témoin par la faute duquel la condamnation aura été prononcée.
Ils seront payés comme frais de justice criminelle indigène.
L’arrêt de révision d’où résulte l’innocence d’un condamné sera mentionné en marge du jugement de condamnation et inscrit en entier sur de registre des jugements en cours, au siège du tribunal qui a rendu le jugement revisé.
Il sera notifié aux intéressés par le gouverneur et porté à la connaissance des indigènes par les moyens de publicité dont dispose l’administration locale en matière ad ministrative indigène.
Art. 36. — Le tribunal d’homologation se compose du tribunal supérieur d’appel dont les deux assesseurs européens auront voix délibérative, assisté de deux assesseurs indi gènes qui ont voix consultative et sont pris sur une liste de six notables au moins établie dans les conditions prévues pour la constitation des tribunaux de premier et de second degré.
Les fonctions de ministère public sont exercées par le procureur de la République, celles de greffier par le greffier en chef près le tribunal supérieur d’appel.
Art. 37. Le tribunal d’homologation est saisi par le procureur de la République des affaires soumises d’office à son examen dans la quinzaine de la réception du dossier transmis par le gouverneur.
Ce dossier doit comprendre :
Une copie du jugement certifiée par le pré sident du tribunal indigène et s’il y a eu instruction préalable, les plaintes ou dénonciations. l’interrogation de l’inculpé, les pro-verbaux d’information. le tout accompagné d’un rapport du président du tribunal indigène relatant les faits de la cause les incidents qui ont pu surgir à l’audience et toutes les circonstances propres à éclairer le tribunal.
Art. 38. — Le tribunal d’homologation statue dans le mois sur le rapport d’un de ses menlues, le ministère public entendu. Les débats ont lieu et l’arrêt est rendu, en audience publique, sans la comparution des parties qui peuvent produire tous mémoires utiles ou se faire représenter par un défenseur choisi par elles dans les conditions prévues à l’article 33.
Art. 39. Le tribunal d’homologation connaît :
1° De tous les jugements contradictoires rendus par les tribunaux de premier et deuxième degrés comportant des condamnations supérieures à trois ans de prison.
Dans l’hy pothèse où ces jugements comportent également des peines inférieures, le tribunal est saisi d’office de l’ensemble des condamnations cont radictoires prononcées :
2° Des jugements rendus par les tribunaux de deuxième degré portant condamnation pour infraction à la loi du 4 mars 1881 et au décret du s décembre 1924 sur la traite;
3° Des jugements des mêmes tribunaux por tant condamnation de fonctionnaires ou agents indigènes de l’autorité à des peines supérieures à trois mois l’emprisonnement ou à 500 francs d’amende;
4° Des peines infligées par les tribunaux indigènes dans le cas où la coutume ne prévoit pas de sanction pour l’infraction:
5° Des demandes de réhabilitation.
La réha bilitation peut être demandée par tout condamné à l’expiration d’un délai de cinq ans à partir de l’exécution de sa peine.
La requête est adressée au gouverneur qui recueille l’avis de l’administrateur du cercle où réside le requérant et la transmet avec ses propositions au procureur de la République en y joignant les expéditions des jugements de condamnation, les extraits des registres d’écrou des lieux où les peines ont été exécutées et s’il y a lieu, la justification du payement des amendes ou la preuve de l’exécution de la contrainte par corps.
Les arrêts de réhabilitation sont notifiés aux intéressés par de gouverneur ou son représentant en présence des notables.
Mention de ces arrêts est faite en marge des jugements effacés par la réhabilitation.
Toutefois, le procureur de la République peut, en outre, pour les motifs suivants, défé rer pour annulation au tribunal d’homologation les sentences infligeant une peine n’excédant pas trois ans d’emprisonnement ainsi que les décisions d’acquittement qui sont prononcées en dernier ressort et sont définitives :
1° Incompétence :
2° Vice de forme;
3° Application erronée de la peine:
4° Insuffisance d’éclaircissements sur cer tains points ou erreurs manifestes.
Il n’y a pas, en matière de justice indigène, d’autres vices de forme que ceux qui résultent de l’inobservation des prescriptions du présent décret : le tribunal d’homologation possède à ce sujet un pouvoir souverain d’appréciation.
L’erreur d’application ne peut se rapporter qu’à la nature de la peine, non à sa quotité.
Les décisions rendues en suite de ce pour voi produisent leur effet à l’égard de toutes les parties lorsque le pourvoi a été formé dans le délai d’un mois à partir de la date de transmission au procureur de la République de l’expédition du jugement.
Après l’expiration de ce délai, le pourvoi ne peut être formé que dans l’intérêt du con damné ou de la loi.
Le tribunal d’homologation connaît aussi des jugements rendus en matière civile et commerciale dans les hypothèses prévins aux articles 11 et 12 ci-dessous.
Art. 40. — Le tribunal d’homologation peut, avant de statuer, ordonner toute mesure d’ins truction complémentaire qu’il juge utile et, notamment, la comparution des parties.
Lorsqu’il homologue, extrait de l’arrêt est délivré dans la huitaine au procureur de la République qui le transmet pour exécution au gouverneur.
Lorsque de tribunal d’homologation annule pour insuffisance d’éclaircissement ou erreurs manifestes, il renvoie l’affaire devant le tribunal indigène qui en a connu, ou en cas d’empêchement devant un tribunal de même degré voisin, en indiquant, par arrêt motivé, les points insuffisamment établis ou reconnus erronés sur lesquels devra porter le nouvel examen des juges.
Lorsque le tribunal d’homologation annule pour incompétence, vice de forme on applica tion erronée de la peine, il renvole l’affaire devant le tribunal compétent : toutefois, si l’affaire est reconnue en état au fond, il peut évoquer et statuer au fond sans renvoi.
En cas de renvoi, lorsque le tribunal indigène, après de nouveaux débats a rendu son jugement, le dossier est de nouveau soumis au tribunal d’homologation qui homologue ou annule et, dans ce dernier des, évoque l’affaire et statue au fond.
Art. 41. — En matière civile ou commerciale lorsqu’un’ tribunal indigène a manifes tement excédé sa compétence ou violé l’une des prescriptions du présent décret ou com mis une erreur manifeste.
De procureur de la République peut se pourvoir d’office devant le tribunal d’homologation qui, dès le premier examen des pièces, peut annuler et renvoyer les parties à se pourvoir comme elles l’entendent.
Le pourvoi du procureur de la République doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la date de transmission de l’expédition du jugement.
Art. 42. — Le procureur de la République peut également se pourvoir d’office mais avec l’approbation du gouverneur, lorsqu’un tribunal indigène a rendu une sentence manifestement contraire à l’ordre public.
Ce pourvoi peut être formé notamment conire une transaction intervenue dans les conditions prévues à l’article 6.
Il doit être, en matière civile et commerciale, formé dans le délai de quatre mois à compter du prononcé du jugement.
Art. 43. — Dans le cas où un tribunal français aura excédé sa compétence, en connais sant d’une affaire relevant des juridictions indigènes, le procureur de la République peut, soit d’office soit à la requête des parties ou de l’administration, se pourvoir en annulation devant le tribunal supérieur d’appel.
En cas d’annulation, le tribunal supérieur d’appel renvoie l’affaire devant la juridiction indigè ne compétente.
Expédition de l’arrêt est délivrée dans la quinzaine au procureur de la République qui la transmet pour exécution au gouverneur.
Le pourvoi du procureur de la République doit a peine de nullité, être formé dans le délai de deux mois à compter de la date de transmis sion de ‘expédition du jugement.
La disposition du premier alinéa du présent article ne s’applique pas au cas où, en matière civile ou commerciale, les indigènes ont, d’un commun accord, déclaré porter leurs litiges devant les tribunaux français.
Cet ac cord devra être constaté par une convention écrite passée dans les conditions fixées par le décret du 23 mai 1925, en présence de l’administrateur du cercle qui certifie le contrat: l’écrit, rédigé en français, doit contenir l’iden tification de la qualité et de la demeure des parties contractantes, l’exposé précis de leurs engagements réciproques et la constatation, s’il y a lieu, des formes solennelles exigées par le coutume.
En même matière, et sous condition d’accord préalable dans les mêmes formes, les différends entre justiciables de tribunaux francais et justiciables des tribunaux indigènes peuvent être portés devant les tribunaux indi gènes. Il est fait application dans ce dernier cas des coutumes locales.
Art. 44. — La déclaration de pourvoi formée par le procureur de la République, soit d’office, soit sur la requête des parties ou de l’administration en vertu des articles 39. 41. 42 et 43 ci-dessus est déposée au greffe du tribunal supérieur d’appel et inscrite sur un registre à ce destiné.
CHAPITRE V.
DES JUGEMENTS ET DE LEUR EXÉCUTION.
Art. 45. — En toute matière, les jugements des tribunaux indigènes doivent être motivés et contenir :
— les noms de tous les juges et la coutume des juges indigènes;
— le nom et la qualité de l’interprète ou des interprètes qui ont prêté leur ministère;
— le nom et le sexe, l’âge au moins appro ximatif. la profession, le domicile et la coutu me du prévenu et de chacune des parties, avec leurs déclarations ou conclusions;
— l’exposé sommaire des faits et des cir constances de temps et de lieu:
— le nom, le sexe, l’âge au moins approximatif, la profession et le domicile de chacun des témoins, ainsi que le degré éventuel de sa parenté avec le prévenu ou l’une des parties, la mention du serment qu’il a prêté, si la cou tume le prévoit; l’énoncé de la coutume et éventuellement la disposition du décret dont il est fait application.
En matière répressive, les jugements doi vent indiquer en outre :
— l’autorité qui a saisi le tribunal:
— la date de l’arrestation du prévenu et celle de la mise sous mandat de dépôt;
— l’interrogatoire de l’inculpé et ses moyens de défense;
— le cas échéant, les circonstances atté nuantes dont le tribunal a tenu compte pour réduire la peine prévue;
— enfin, les mentions prescrites par le pré sent décret, notamment à l’article 33.
Art. 46. — Le serment ne doit pas être dé féré au prévenu: néanmoins, les parties peuveut prêter serment si la coutume l’admet. Les témoins ne doivent prêter serment que si la coutume le prévoit.
Dans tous les cas, ils sont passibles de condamnations pour faux témoignage commis à l’audience, le président du tribunal doit leur faire connaître avant qu’ils n’aient commencé à déposer les peines auxquelles les exposerait un faux témoignage en vertu des dispositions de l’article 55 ci-dessous.
Le serment ne peut être déféré à un témoin que la coutume en dispense en raison de ses liens dle parenté ou d’alliance avec le prévenu ou l’une des parties.
Le tribunal qui constate l’infraction a compétence pour la juger, sous réso rve de l’exception prévue par l’article 19. in fine.
Art. 47. Les débats de toute affaire, de leur ouverture au prononcé du jugement, sont suivis par les mêmes juges.
Ils doivent être recommencés si l’un des juges se trouve em pêché en cours d’instance et doit être remplacé.
Avant d’entrer en fonction, les présidents des tribunaux indigènes doivent prêter, verbalement ou par écrit, serment devant le tri bunal supérieur d’appel.
Les assesseurs, avant de siéger, doivent prêter serment entre les mains du président qui reçoit également le serment des interprètes.
Art. 18. Les jugements des tribunaux de premier et de deuxième degrés sont inscrits à leur date sur des registres spéciaux cotés et paraphés par l’administrateur du cercle.
Il est délivré à toute partie qui en exprime le désir une copie du jugement qui la concerne, certifiée conforme par le président du tribunal du premier degré, s’il s’agit d’un jugement rendu par le tribunal de premier de gré. on par l’administrateur du cercle s’il s’agit d’un jugement rendu par le tribunal de deuxième degré.
Art. 49. Le président du tribunal du premier degré adresse mensuellement à l’administrateur du cercle le relevé des jugements rendus dans le cours du mois par le tribunal de premier degré. Ce dernier adresse dans les mêmes conditions au gouverneur, le relevé des jugements rendus par le tribunal de deuxième degré.
Il y joint les relevés du mois précédent des tribunaux de premier degré.
Ces relevés doivent contenir le résumé des indications mentionnées à l’article 44.
Ils sont communiqués par le gouverneur au procureur de la République.
Art. 50. — Les fonctions de greffier n’existent pas auprès des tribunaux de premier et deuxième degrés. Le président de chacun de ces tribunaux doit être assisté autant que pos sible d’un secrétaire choisi par lui pour la rédaction matérielle des jurements et notes d’audiences, la mention des déclarations d’appel, l’établissement des mandats, la tenue des registres mentionnés à l’article 48, la déli vrance des expéditions aux parties, la rédac tion des relevés mensuels.
Art. 51. — Les jugements devenus définitifs sont visés pour exécution par l’administrateur du cercle.
Est réputé définitif tout jugement d’un tribunal de premier degré non frappé d’opposition ou d’appel dans les délais fixés, et tout jugement d’un tribunal de deuxième degré lorsque l’un et l’autre n’ont pas à être déférés d’office au tribunal d’homologation en vertu de l’article 41 du présent décret, sous réserve toutefois des dispositions des articles 39 et 43.
En dehors du ressort du tribunal qui a rendu le jugement, il est pourvu à son exé cution par les soins de l’autorité administra tive sur le vu de la copie dûment certifiée délivrée par l’administrateur du cercle.
Art. 52. — En matière civile et commerciale, les juridictions indigènes appliquent exclusiveinent la coutume des parties.
En cas de conflit de coutumes, il est statué :
1° Dans les questions intéressant le mariage et le divorce, l’attribution des enfants, le sort de l’épouse en cas de rupture de mariage par divorce, répudiation ou décès de l’un des con joints, d’après la coutume qui a présidé à la négociation du mariage ou, s’il n’y a pas eu contrat, suivant la coutume de la femme :
2° Dans les questions relatives aux successions et testaments, selon la coutume du défunt :
3° Dans les questions relatives aux donation, suivant la coutume du donateur;
4° Dans les questions concernant les con trats autres que relui de mariage, selon la coutume la plus généralement suivie dans le lieu où est intervenu le contrat;
5° Dans les autres matières, selon la coutu me du défenseur.
Dans les cas qui ne sont pas prévus au présent article, Je gouverneur règle, par arrêté pris dans les formes prévues à l’article 71, les conditions dans lesquelles sont résolus les conflits de coutumes.
Art. 53. — En matière répressive, les juridictions indigènes appliquent :
1° L’amende, jusqu’à un maximum de 5.000 francs :
2° L’interdiction de séjour, pour une durée qui ne peut excéder vingt ans pour les tribunaux de deuxième degré et cinq ans pour les tribunaux de premier degré;
3° L’emprisonnement à temps,pour une du rée qui ne peut excéder vingt ans pour les tribunaux de deuxième degré et dix ans poul ies tribunaux de premier degré;
4° L’emprisonnement à perpétuité :
5° La peine de mort.
L’amende peut se cumuler avec l’interdic tion de séjour ainsi qu’avec l’emprisonnement à temps.
L’emprisonnement à perpétuité et la peine de mort ne peuvent, en aucun cas, être infligés par les tribunaux de premier degré.
Toute condamnation pour un des faits énu mérés sous le 1° de l’article 29 comportera destitution et exclusion des fonctions, emplois ou offices publics.
Art. 54. — Avant de prononcer la sentence, le tribunal s’enquiert de la sanction éventublement prévue par la coutume du lieu pour l’infraction commise et proportionne l’importance de la condamnation à la gravité de la sanction.
Il a qualité, sous le contrôle du tribunal d’homologation, pour prononcer la condamnation qui lui paraît équitable dans le cas où la coutume n’aurait prévu aucune sanction pour l’infraction commise.
Les sanctions prévues par la coutume pour ront être constatées par des arrêts de principe du tribunal d’homologation spécialement saisi à cet effet par le chef du service judiciaire agissant à la requête du gouverneur et acquerront ainsi la valeur d’une prescrip tion réglementaire qui pourra être modifiée ou complétée dans la même forme.
Ces arrêts réglementaires seront publiés au Journal officiel de la colonie.
Art. 55. — Les juridictions indigènes appliquent, en outre, en matière répressive :
1° Les peines édictées pour les infractions prévues par les règlements de police et d’ad ministration.
En ce qui concerne les infractions visées à l’article 29, paragraphe 4, les peines à appliquer ne pourront excéder la quotité de celles infligées par voie discipli naire ;
2° Une peine de 16 à 500 francs d’amende ou de six jours à un mois d’emprisonnement pour sanctionner le faux témoignage, l’outrage au tribunal ou à l’un de ses membres, l’injure aux témoins, les actes susceptibles de troubler l’audience tels que le tumulte, l’injure ou les voies de fait.
La condamnation est prononcée séance tenante et immédiatement exécutoire.
Lorsque l’auteur de l’infraction n’est pas un indigène au sens du présent décret, le tribunal qui constate l’infraction dresse un procès-ver bal qui est transmis au procureur de la République.
Art. 56. — En cas de conviction simultanée de plusieurs infractions, la peine la plus forte selon Fordre établi à l’article 53, est seule le prononcée.
Toutefois, lorsque les infractions sont santionnées par l’emprisonnement à temps et l’amende ou par l’une de ces deux peines seulement, le tribunal a la faculté de prononcer la confusion ou le cumul «les peines encourues: dans ce dernier ras. le total des peines cumulées ne peut jamais dépasser le maximum de l’emprisonnement à temps et co lui de l’amende.
Ces règles doivent être observées alors même que les infractions font l’objet de jugements distincts dès que toutes les infractions sont antérieures au premier jugement.
Les peines prononcées pour évasion sont toujours cumulées avec les peines encourues ou en cours d’exveut hui.
Il peut être fait application de l’article 463 du code pénal.
Art. 57. La majorité pénale est celle fixée par la coutume: elle ne saurait cependant être inférieure à- l’âge de seize ans.
Le prévenu qui n’a pas atteint la majorité pénale est absous comme ayant agi sans discernement.
Il peut être rendu à sa famille ou envoyé dans une maison de correction pour y être élevé et détenu pendant le nombre d’années que le jugement rendu contre lui déterminera et qui, toutefois, ne pourra decéder l’époque où il aura atteint sa vingtième année.
Art. 58. — Lorsqu’une juridiction indigène prononce l’interdiction de séjour, l’autorité administrative notifie au condamné, avant sa libération, l’interdiction ‘une ou plusieurs régions déte rminées ou l’assignation d’une résidence obligatoire.
La désignation des lieux interdits ou de la résilience obligatoire est faite par le gouverneur.
Art. 59. — La contrainte par corps s’exerce en matière répressive pour les recouvrements des amendes et des frais.
Elle peut aussi s’exercer en matière civile et commerciale à la demande expresse du créancier et seulement en cas de mauvaise foi du débiteur constatée par le jugement.
Il ne pourra jamais en résulter une mise du débiteur à la disposition du créancier ou d’une personne interposée.
En aucun cas, la contrainte par corps ne peut être exercée sur des personnes normalement justiciables des juridictions indigènes qui, conformément à la latitude «pii leur est offerte par l’article 43, auraient porté leurs litiges devant une juridiction française, ni sur les pt rsonnes normalement justiciables des juridictions françaises qui en application du même article, auraient porté leurs litiges devaut une juridiction indigène.
Le gouverneur fixe par arrêté pris en conseil d’administration, après avis du procureur de la République, les conditions dans lesquelles peut s’exercer la contrainte par corps et fixe la limite sans que celle-ci puisse en aucun cas dépasser deux années en matière répressive et douze mois en matière civile et commerciale.
Cet arrêté est soumis à l’approbation du ministre des colonies. Tous les contraignables par corps sont em ployés uniquement à des travaux d’utilité publique.
Art. 60. — En matière répressive, l’exécution des jugements des tribunaux indigènes est suspendue pendant toute la durée de la procédure d’appel s’il y échet et de la procé dure l’homologation.
Toutefois, le prévenu qui a été frappé d’une condamnation d’interdiction de séjour ou l’emprisonnement est maintenu en état de détention préventive jusqu’au jour où la procédure est terminée.
Au cas où elle se termine par un acquittement ou par une peine d’interdiction de sé jour ou d’emprisonnement égale ou inférieure en durée à la détention subie, il est remis en liberté immédiatement.
Dans le cas contraire a durée de la détention préventive est comprise dans la duree de la condamnation définutive.
Les personnes ainsi maintenues en état de détention préventive, à la suite d’une condam nation soumise à la procédure de l’appel ou de l’homologat ion, peuvent être astreintes à un travail compatible avec leur condition.
De toutes facons, la durée de bi détention préventive est décomptée à partir du jour de l’incarcération et est défalquée de la durée de la condamnation.
Art. 61. En tout état de la procédure an térieure au jugement définitif, la liberté provisoire peut être accordée avec ou sans caution par l’administrateur du cercle.
Pour les affaires portées d’office ou sur pourvoi devant le tribunal d’homologation, elle est prononcée par le président de cette juridiction.
Art. 62. — En matière répressive, les autorites administratives chargées de l’exécution des jugements prescrivent les mesures d’exécution des peines à la condition d’observer les conditions générales du décret et celles du jugement.
Toutefois, il est sursis d’office à l’exécution des jugements de condamnation comportant la peine capitale.
Le gouverneur transmet sans délai, avec son avis, le dossier de la procédure au Ministre des colonies pour l’exer cice du droit de grâce du chef de l’Etat.
Art. 63. — La loi du 14 août 1885, sur les moyens de prévenir la récidive, est applicable aux condamnés des juridictions indigènes.
Les arrêtés de mise en liberté conditionnelle et révocation prévus par l’article 3 de ladite loi sont pris par le gouverneur après avis de l’administrateur du cercle où le crime a été commis, du fonctionnaire chargé de la prison et du procureur de la République s’il s’agit de mise en liberté, après avis de l’administrateur du cercle et du procureur de la République s’il s’agit de révocation.
Art. 64. — L’emprisonnement est subi dans un pénitencier indigène, soit dans les locaux disciplinaires, soit sur des chantiers de tra vaux d’utilité publique.
Art. 65. — Le droit de recours en grâce auprès du chef de l’Etat est ouvert aux con damnés des juridictions indigènes.
Art. 66. — Les juridictions indigènes, saisies en matière répressive, statuent d’office sur les restitutions, sur les dommages et sur tou tes autres actions civiles ayant leur cause dans les faits dont elles sont saisies. Art. 67. — La prescription en matière civile et commerciale est de deux ans pour les actions relatives à la fourniture du logement et de la nourriture, au payement des salaires, à la vente de marchandises à des particuliers non marchands: elle est de trente ans pour les autres actions.
En matière répressive, l’action publique se prescrit par dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les contra ventions.
La prescription de la peine est fixée à vingt années en matière de crime, à dix années en matière de délit, à deux années en matière de contravention.
CHAPITRE VI.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
Art. 68. — Les audiences des juridictions indigènes sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs, auquel cas le tribunal d’homologa tion ou les tribunaux le déclarent par arrêt ou jugement préalable.
Dans tous les cas, les arrêts et jugements sont prononcés publiquement et doivent être motivés.
Art. 69. Il est interdit aux huissiers de faire un acte quelconque de leur ministère à la requête d’un indigène non justiciable des tribunaux français contre un autre indigène relevant également des juridictions indigènes sans avoir été mis en possession préalable de la copie dûment certifiée de la convention éta blie conformément aux dispositions du décret du 23 mai 1925 spécifiant que les deux intéressés ont consenti à porter le différend dont il est question devant les tribunaux français.
L’acte de l’huissier devra mentionner explicitement les parties de l’accord intervenu en vertu desquelles son ministère est rendu valable.
Art. 70. — Le procureur de la République surveille et contrôle le fonctionnement de la justice indigène.
Il rend compte au gouverneur des irrégularités qu’il constate.
Art. 71. — Le gouverneur fixe, par arrêté pris en conseil d’administration, les mesures d’application du présent décret : il fixe de la même manière les taxes et frais de justice.
CHAPITRE VII. DISPOSITIONS TRANSITOIRES.
Art. 72. – Les instances engagées avant la promulgation du présent décret continueront à être soumises aux règles édictées par le décret du 2 avril 1927 et les textes qui l’ont modifié.
Art. 73. Sont abrogées toutes dispositions antérieures relatives aux matières faisant l’objet du présent décret.
Art. 74. — Le Ministre des colonies et le Garde des sceaux, ministre de la justice, sont chargés, chacun en ce «pli le concerne, de l’exécution du présent décret.
ALBERT LEBRUN.
Par le Président de la République :
Le Ministre des colonies,
Georges Mandel.
Le Garde de sceaux, ministre de la justice,
Paul REYNAUD.