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Décret n° 8-194-1913 portant promulgation de la convention de commerce et de navigation signée à Paris, le 19 août 1911 entre la France et le japon.

Le Président de la République française, 

Sur la proposition du président du conseil, ministre des affaires étrangères, du ministre des finances et du ministre du commerce et de l’industrie,

DECRETE

Art. 1er, — Le Sénat et la Chambre des députés ayant approuvé la convention de commerce et de navigation signée à Paris, le 19 août 1911. entre la France et le Japon, et cet acte ayant été ratifié, ladite convention dont la teneur suit recevra sa pleine et entière exécution.

CONVENTION

DE COMMERCE ET DE NAVIGATION ENTRE LA FRANCE ET LE JAPON

Le Président de la République française et S. M. l’empereur du Japon, également animés du désir de resserrer les relations d’amitié et de bonne entente qui existent heureusement entre eux et leurs Etats respectifs, et persuadés que la détermination d’une manière claire et positive des règles qui, à l’avenir, doivent s’appliquer aux rapports commerciaux entre les deux pays, contribuera à la réalisation de ce résultat hautement désirable, ont résolu de conclure à cet effet une convention de commerce et de navigation, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

Le Président de la République française :

M. J. de Selves, sénateur, ministre des affaires étrangères ;

M. L.-L. Klotz, député, ministre des finances ;

Et M. Ch. Couybà, sénateur, ministre du commerce et de l’industrie ;

Et S. M. l’empereur du Japon :

Le baron Shinichiro Kurino, grand cordon du Soleil levant, Shosammi, son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près le Gouvernement de la République française.

Lesquels, après s’être communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. — Les ressortissants de chacune des hautes parties contractantes auront pleine liberté avec leurs familles, d’entrer et de séjourner dans toute l’étendue des territoires de l’autre. Sous la condition de se conformer aux lois du pays, ils jouiront des droits ci-après spécifiés :

1° Ils seront. en ce qui concerne le voyage et la résidence, traités sous tous rapports comme les nationaux ;

2° Ils auront, comme les nationaux. le droit de se livrer au commerce ou à l’industrie manufacturière et de faire le trafic de tous articles de commerce licite, soit en personne, soit par des représentants, soit seuls, soit en association avec des étrangers ou des nationaux ;

3° Ils seront, en ce qui concerne l’exercice de leur industrie, métier ou profession, la poursuite de leurs études ou investigations scientifiques, traités, à tous égards comme les ressortissants de la nation la plus favorisée ;

4 Ils pourront posséder ou louer et occuper les maisons, les manufactures, les magasins, les boutiques et les locaux qui peuvent leur étre nécessaires et prendre à bail des terrains à l’effet d’y résider ou de les utiliser dans un but licite commercial, industriel, manufacturier ou autre ;

5° Ils pourront, sous la condition de la réciprocité, librement acquérir et posséder toute espèce de propriété mobilière ou immobilière que la loi du pays permet ou permettra d’acquérir ou de posséder aux ressortissants de tout autre pays étranger.

Ils pourront en disposer par voie de vente, échange, donation, mariage. testament, ou de tout autre manière sous les mêmes conditions qui sont ou seront établies à l’égard des nationaux eux-mêmes. Ils pourront aussi exporter librement le produit des ventes de leurs propriétés et tout ce qui leur appartient en général, sans pouvoir être soumis, en tant qu’étrangers, à des droits autres ou plus élevés que ceux auxquels seraient soumis les nationaux dans les mêmes circonstances ;

6° Ils jouiront d’une protection et sécurité constantes et complètes, pour leurs personnes et leurs propriétés ; ils auront un accès libre et facile auprès des cours et tribunaux de justice pour la poursuite et la défense de leurs droits, et ils seront, en outre, comme les nationaux eux-mêmes, libres de choisir et d’employer des avocats, avoués et autres hommes de loi pour les représenter devant les cours et tribunaux, et d’une manière générale ils auront les mêmes droits et privilèges que les nationaux pour tout ce qui concerne l’administration de la justice ;

7° Ils seront exempts de tout service militaire obligatoire, soit dans l’armée de terre ou de mer. soit dans la garde nationale ou la milice, ainsi que de toutes les contributions imposées en lieu et place du service personnel. Ils seront exempts également de tous emprunts forcés et de toutes réquisitions ou contributions militaires sauf ceux qui leur seront imposés, comme aux nationaux eux-mêmes, en leur qualité de possesseurs, locataires ou occupants de biens immeubles.

Pour ce qui précède. les ressortissants de chacune des hautes parties contractantes ne seront pas traités sur les territoires de l’autre moins bien que ne le sont ou ne le seront les ressortissants de la nation la plus favorisée ;

8° Ils ne seront contraints à subir des Charges ou à payer des impôts taxes ou contributions, de quelque nature que ce soit, autres ou plus élevés que ceux qui sont ou pourront être imposés aux nationaux ou ressortissants de la nation la plus favorisée.

Art. 2. — Les habitations, magasins. manufactures et boutiques des ressortissants de chacune des hautes parties contractantes dans les territoires de l’autre, ainsi que tous les locaux qui en dépendent, employés pour des buts licites, seront respectés. Il ne sera point permis d’y procéder à des visites domiciliaires ou perquisitions, non plus que d’examiner ou d’inspecter les livres. papiers ou comptes, sauf dans les conditions et formes prescrites par les lois à l’égard des nationaux eux-mêmes.

Art. 3. — Les ressortissants des parties contractantes jouiront de la liberté réciproque de commerce et de navigation ; ils auront, de la mème façon que les ressortissants de la nation la plus favorisée. pleine liberté de se rendre avec leurs navires et leurs cargaisons dans les lieux, ports et rivières des territoires de l’autre, qui sont ou pourront être ouverts au commerce extérieur ; ils bénéficieront, en se conformanñt toujours aux lois du pays où ils arrivent, des mêmes droits, faveurs, libertés, immunités et exemptions en matière de commerce et de navigation, dont bénéficient ou bénéficieraient les nationaux eux-mêmes.

Art. 4 — Les sociétés anonymes ou autres et les associations commerciales, industrielles et financières qui sont ou seront constituées conformément aux lois de l’une des parties contractantes et qui ont leur domicile dans les territoires de cette partie, sont autorisées, dans les territoires de l’autre, en se conformant aux lois de celle-ci, à exercer leurs droits et à ester en justice devant les tribunaux, soit pour intenter une action, soit pour y défendre.

Art. 5. — Les droits de douane perçus à l’entrée en France et au Japon sur les produits de l’autre pays ne pourront être autres ou plus élevés que ceux imposés aux produits similaires originaires du pays le plus favorisé.

Les droits perçus à la sortie de France et du Japon sur les produits destinés à l’autre pays ne pourront également être autres ou plus élevés que ceux imposés aux mêmes produits destinés au pays le plus favorisé.

Art. 6. — Les parties contractantes s’engagent à n’entraver nullement le commerce réciproque des deux pays par des prohibitions ou restrictions à l’importation, à l’exportation ou au transit.

Des exceptions à cette règle, en tant qu’elles seront applicables à tous les pays ou aux pays se trouvant dans les mêmes conditions. ne pourront avoir lieu que dans les cas suivants :

1° Pour les approvisionnements et munitions de guerre, dans des circonstances extraordinaires :

2° Pour des raisons de sûreté publique ;

3° Par égard à la police sanitaire ou en vue de la protection des animaux ou des plantes utiles contre les maladies ou les insectes et parasites nuisibles ;

4° En vue de l’application aux marchandises étrangères des prohibitions ou restrictions édictées par des lois intérieures à l’égard de la production intérieure des marchandises similaires ou de la vente ou du transport à l’intérieur des marchandises similaires de la production nationale ;

5° Pour les marchandises qui sont ou seront l’objet d’un monopole d’Etat.

Art. 7. — Les marchandises de toute nature originaires du terriloire de l’une des deux parties contractantes et importées sur le territoire de l’autre partie ne pourront ètre assujetties à des droits d’accise. d’octroi ou de consommation perçus pour le compte de l’Etat, des communes ou corporations, supérieurs à ceux qui grèvent ou grèveraient les produits similaires de la production nationale ou, à défaut de ces produits, ceux de la nation la plus favorisée.

Les produits du sol et de l’industrie de l’un des deux pays importés dans le terriloire de l’autre, et destinés à l’entreposage ou au transit, ue seront soumis à aucun droit intérieur.

Art 8. — Les importateurs de marchandises françaises ou japonaises seront réciproquement dispensés de l’obligation de produire des certificats d’origine.

Toutefois, dans le cas où un pays tiers ne serait pas lié avec l’une ou l’autre des parties contractantes par la clause de la nation la plus favorisée, la production de certificats d’origine pourra être exceptionnellement exigée.

Dans ce cas, les certificats seront délivrés dans les lieux d’expédition, sièges d’un consulat, par le consul de carrière du pays dans lequel l’importation doit être faite, et, dans les autres lieux, par l’autorité douanière, et, à défaut de cette autorité, par les chambres de commerce ou les autorités locales.

Lorsque la délivrance des certificats d’origine entrainera la perception de taxes quelconques dans l’un des pays, des taxes équivalentes pourront être établies par l’autre pays à l’occasion des certificats d’origine qu’il délivrera. Il en sera de même, le cas échéant, pour les factures consulaires.

Art. 9. — Les négociants et les industriels, ressortissants de l’une des parties contractantes, ainsi que les négociants et les industriels domiciliés et exerçant leur commerce et industrie dans les territoires de cette partie, pourront dans les territoires de l’autre, soit en personne soit par des commis voyageurs, faire des achats ou recueillir des commandes, avec ou sans échantillons et modèles. Ces négociants, industriels et leurs commis voyageurs, en faisant ainsi des achats et en recueillant des commandes, jouiront, en toute maniere, du traitement de la nation la plus favorisée. Toutefois dans le cas où les voyageurs de commerce français au Japon ou japonais en France viendraient à être assujettis à uu droit de patente, les voyageurs de commerce japonais en France ou français au Japon pourront être soumis à des impôts équivalents.

Les articles importés comme échantillons et modèles dans les buts susmentionnés seront, dans chacun des deux pays, admis temporairement en franchise de droits, en conformité des règlements et formalités de douane établis pour assurer leur réexportation ou le payemént des droits de douane prescrit en cas de non réexportation dans le délai prévu par la loi Toutelois, ledit privilège ne s’étendra pas aux dits articles qui, à cause de leur quantité ou valeur, ne peuvent pas être considérés comme échantillons et modèles ou qui, à cause de leur nature, ne sauraient être identifiés lors de leur réexportation. Le droit de décider si un échantillon ou modèle est susceptible d’admission en franchise, appartient exclusivement, dans tous les cas, aux autorités douanières compétentes du lieu où l’importation a été effectuée.

Les chambres de commerce existant sur les territoires des deux parties contractantes seront réciproquement reconnues comme les autorités compétentes pour délivrer tous certificats qui pourraient être requis par les voyageurs de commerce, en vue notamment d’affirmer leur identité.

Art 10. — Tous les articles qui sont ou pourront être légalement importés dans les ports de l’une des parties contractantes, par des navires nationaux, pourront, de même, être importés dans ces ports par des navires de l’autre partie contractante, sans ètre soumis à aucun droit ou charge, de quelque dénomination que ce soit, autres ou plus élevés que ceux auxquels les mêmes articles seraient soumis s’ils étaient importés par des navires nationaux. Cette égalité réciproque de traitement sera appliquée sans distinction, que ces articles viennent directement du lieu d’origine ou de tout autre pays étranger.

Il y aura de même parfaite égalité de traitement pour l’exportation, de façon que les mêmes droits de sortie seront payés et les mêmes primes ou drawbacks seront accordés, dans les territoires de chacune des parties contractantes, à l’exportation d’un article quelconque qui peut ou pourra en être légalement exporté, que cette exportation se fasse par des navires français ou par des navires Japonais et quel que soit le lieu de destination, soit un port de l’autre partie, soit un port d’une tierce puissance.

Art. 11. — En tout ce qui concerne le placement des navires. leur chargement, leur déchargement dans les eaux territoriales des parties contractantes, il ne sera accordé, par l’une des parties, aux navires nationaux, aucun privilège ni aucune facilité qui ne le soit également, en pareil cas, aux navires de l’autre pays, la volonté des parties contractantes étant que, sous ces rapports, leurs bâtiments respectifs jouissent d’une parfaite égalité.

Art. 12. — Les navires marchands naviguant sous pavillon français et japonais et ayant à bord les documents requis par leurs lois nationales pour établir leur nationalité, seront respectivement considérés, au Japon et en France, comme navires français et japonais.

Art. 13. — Aucun droit de tonnage, de transit, de canal, de port, de pilotage, de phare, de quarantaine ou autres droits ou charges similaires ou analogues, de quelque dénomination que ce soit, levés au nom ou au profit du gouvernement, de fonctionnaires publics, de particuliers, de corporations

ou d’établissements quelconques. ne seront imposés dans les eaux territoriales de l’un des deux pays sur les navires de l’autre sans qu’ils soient également imposés, dans les mêmes conditions, sur les navires nationaux en général, ou sur les navires de la nation la plus favorisée. Cette égalité de traitement sera appliquée réciproquement à leurs navires respectifs, de quelque endroit qu’ils arrivent et quel que soit le lieu de destination.

Art. 14 — Les navires chargés d’un service postal régulier de l’une des parties contractantes, qu’ils appartiennent à l’Etat ou à une compagnie subventionnée par lui à cet effet, jouiront dans les eaux territoriales de l’autre, des même facilités, privilèges et immunités que ceux qui sont accordés aux navires similaires de la nation la plus favorisée.

Art. 15 — Il est fait exception aux dispositions de la présente convention pour le Cabotage dont le régime reste soumis à la législation de la France et du Japon respectivement ; il est entendu, toutefois que les Français au Japon et les Japonais en France jouiront, pour tout ce qui concerne le cabotage, des droits et privilèges qui sont ou seront accordés par cette mème législation aux

ressortissants de la nation la plus favorisée.

Tout navire de l’une des parties contractantes, chargé à l’étranger d’une cargaison destinée à deux ou plusieurs ports d’entrée des territoires de l’autre, pourra décharger une partie de sa cargaison dans l’un desdits ports, et en. continuant son voyage pour l’autre ou les autres ports de destination, y décharger le reste de sa cargaison, toujours en se conformant aux lois, aux tarifset aux règlements de douane du pays de destination.

De la même manière et sous la même restriction, tout navire de l’une des parties contractantes pourra charger dans les divers ports de l’autre au cours du même voyage pour l’étranger.

Art. 16. — Les deux hautes parties contractantes déclarent qu’elles sont adhérentes à la convention d’union de Paris du 28 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle ; dans le cas où l’une d’entre elles cesserait d’adhérer à la convention précitée, elles conviennent des stipulations suivantes :

contractantes jouiront, dans les territoires de l’autre partie, des mêmes droits que les nationaux eux-mêmes, pour tout ce qui concerne la protection des brevets d’invention, des marques de fabrique ou de commerce, des dessins et modèles industriels et de fabrication de toute espèce, et noms commerciaux, et des indications de provenance, et pour tout ce qui concerne la répression de la concurrence déloyale. sous réserve de l’accomplissement des formalités et des conditions imposées par la loi.

Tout produit portant une fausse indication de provenance dans laquelle un des pays contractants, ou un lieu situé sur les territoires de l’un d’eux, serait directement ou indirectement indiqué comme pays ou comme lieu d’origine, sera saisi à l’importation à la requête des autorités douanières ou du ministère public ou d’une partie intéressée, si la législation de chaque pavs contractant l’admet, ou bien, à défaut, sera soumis aux actions et moyens assurés en pareil cas par la loi aux nationaux.

Art. 17. — Les hautes parties contractantes conviennent que, pour tout ce qui concerne le commerce, l’industrie et la navigation, tout privilège, faveur ou immunité quelconque, que l’une d’elles a déjà accordés ou accorderait à l’avenir au commerce, à l’industrie et à la navigation de tout autre Etat. seront étendus immédiatement et sans condition au commerce, à l’industrie et à la

navigation de l’autre partie contractante, leur intention étant que le commerce. l’industrie et la navigation de chaque pays jouissent sous tous rapports du traitement de la nation la plus favorisée.

Art 18. — Les stipulations de la présente convention ne sont pas applicables :

1° Aux avantages particuliers actuellement accordés ou qui pourraient être ultérieurement accordés par l’une des parties contractantes à des Etats limitrophes pour faciliter le trafic frontière :

2° Aux faveurs spéciales résultant d’une union douanière :

3° A la pêche nationale et aux pêches assimilées à la pêche nationale ;

Aux encouragements accordés ou qui pourraient être accordés à la marine marchande nationale.

Art. 19. — Les dispositions de la présente convention sontapplicables à l’Algérie. Elles pourront être ultérieurement étendues en tout ou partie aux colonies, possessions françaises et pays de protectorat par une déclaration concertée entre les deux gouvernements.

Il est entendu, en outre, que la présente convention est applicable à toutes les colonies et possessions du Japon.

Art. 20. — La présente convention sera ratifiée et l’échange des ratifications aura lieu à Tokyo : les ratifications seront notifiées dans le plus bref délai possible aux gouvernements de la France et du Japon par leurs représentants respectifs ; à partir de la date de la dernière deces deux notifications. la présente convention entrera en vigueur et demeurera exécutoire pendant une période de dix années.

Toutefois l’article 5 en vertu duquel les droits de douane perçus au Japon sur les produits d’origine française et en France sur les produits d’origine japonaise ne seront autres ou plus élevés que ceux perçus sur les produits similaires originaires du pays le plus favorisé, pourra être dénoncé à toute époque par chacune des deux parties contractantes, et dans ce cas il cessera d’être exécutoire un an après cette dénonciation.

Au cas où douze mois avant la date d’expiration de la présente con vention, aucune des deux parties contractantes n’aurait notifié son intention d’en faire cesser les effets cet acte demeurera obligatoire jusqu’à l’expiration d’une année à partir du jour où l’une ou l’autre partie contractante l’aura dénoncé. 

En foi de quoi les plénipotentiaires des deux pays ont signé la présente convention et y ont apposé leurs cachets.

(L. S.) Signé : S. KURINO.

(L. S.) Signé : J. DE SELVES.

(L. S.) — L.-L. KLOTZ.

(L. S) — CH. COUYBA.