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Ordonnance n° 14/11/1944 portant application de l’ordonnance du 12 novembre 1913 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi et sous son contrôle.

Vu l’ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la Libération naMonale, ensemble les ordonnances 1 des 3 juin et 4 septembre 1944 ;

Vu l’ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle ;

Vu l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;

Vu l’ordonnance du 14 novembre 1944 concernant la réintégration de certains locataires ;

Le Comité juridique entendu,

ORDONNE

Article 1er. — Sous réserve des autres dispositions qui seront prises ultérieurement pour l’application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle, et de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, toutes Es personnes physiques ou morales, ou leurs ayants cause. dont les biens ont été l’objet de mesures de séquestre, d’administration provisoire, de gestion, de liquidation exorbitantes du droit commun. en vertu soit des actes dits « lois, décrets, arrêtés ou règlements » du prétendu gouvernement de Vichy, soit du fait des autorités occupantes, rentrent de plein droit en possession de leurs biens, droits et intérêts qui n’ont pas fait l’objet de mesures de liquidation ou d’actes de disposition à la date de la mise en vigueur de l’ordonnance du 9 août 1944 susvisée.

Les dispositions qui précèdent ne s’appliquent pas au droit au bail ou à l’occupation des locaux à usage d’habitation ou professionnel. lorsque ceux-ci sont occupés par un nouveau locataire en occupant ;

l’ordonnance du 14 novembre 1944 susvisée détermine les modalités de la réintégration.

Les restitutions et payements visés au présent article seront effectués par le détenteur actuel des avoirs à restituer ou à payer. Le cas échéant, les intéressés produiront les mainlevées régulières ou certificats de radiation en vertu de mainlevées des oppositions, saisies-arrêts, inscriptions de privilège, d’hypothèque et de nantissement qui pourraient grever ces avoirs.

La procédure de restitution des biens, droits et intérêts qui ont fait l’objet de mesures de liquidation ou d’actes de disposition antérieurs à la date de la mise en vigueur de l’ordonnance du 9 août 1944 susvisée. sera réglée par un texte ultérieur.

Art. 2. — Sous réserve de tous leurs droits et sans préjudice du droit peur les intéressés de rentrer en possession du solde du compte de gestion des sommes autres que celles provenant de mesures de liquidation ou d’actes de disposition, ceux-ci auront la faculté de percevoir immédiatement et sur simple demande, le solde du produit des mesures de liquidation ou d’actes de disposition existant à la date de la réception de la demande de restitution. 

Art. 3. — Celui qui rentre en possession de ses bit ns, droits et intérêts n’est obligé, envers les tiers, en ce qui concerne lesait biens, droits et intérêts, que dans les conditions prévues par l’article 1.375 du code civil.

Art. 4. — La restitution devra être opéréc dans un délai d’un mois à compter de la sommation faite par l’intéressé, soit par lettre recommandée, avec avis de réception, soit par acte extra-judiciaire. Elle sera obligatoirement constatée par un procès-verbal descriptif, énumérâtif des biens remis et contradictoires ;

le procès-verbal, dispensé de timbre et d’énregistrement, sera dressé en quatre exemplaires par ministère d’huissier.

Et aucun cas, l’administrateur séquestre, l’administrateur provisoire ni le gérant ne peut retarder la restitution en invoquant, soit un privlège, soit un droit de rétention de son chef, soit une saisie-arrêt sur lui-même.

Art. 5. — Dans le cas où l’intéressé ne serait pas en état de rentrer en possession de ses biens, droits et intérêts, les adminis trateurs séquestres, administrateurs provisoires ou gérants seront considérés comme gérants d’affaires et tenus de continuer et d’achever la gestion dans les conditions prévues aux articles 1.372 et suivants du code civil.

A la requête soit de tous ayants cause, soit d’un parent ou allié, soit du ministère public, le président du tribunal civil peut désigner un séquestre en remplacement de l’administrateur provisoire ou du gérant en exercice.

Ce nouveau séquestre, qui devra dresser un inventaire des biens à lui remis, pourra être choisi parmi les parents ou alliés de celui qui est empêché d’entrer en possession de ses biens.

Art. 6. — A la requête de l’intéressé, tout administrateur séquestre, administrateur provisoire, gérant ou liquidateur des biens visés à l’article premier, même s’ils ont an térieurement cessé leurs fonctions et rendu leurs comptes, doivent rendre compte de leur gestion ou de leur liquidation dans un délai de deux mois à dater de la réception d’une lettre recommandée avec avis de réception, ou d’une sommation par acte extra judiciaire.

La reddition comprend obligatoirement :

1° un état des recettes et des dépenses réalisées au cours de l’exercice de la gestion ;

2° une liste des biens, droits et intérêts de toute nature ayant fait l’objet d’actes juridiques, de transferts, de transactions, d’adjudications publiques ou privées avec l’indication précise des noms et adresses des bénéficiaires ou acquéreurs ;

3′ une copie certifiée conforme de l’inventaire établi au moment de l’entrée en fonctions et d’un exemplaire de l’inventaire de restitution.

Toutes les redditions de comptes antérieures à la mise en vigueur de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental sont considérées comme milles et non avenues.

Lorsqu’un nouveau séquestre est nommé en application de l’article 5 précité, la reddition des comptes doit être faite à celui-ci.

Art. 7. — Les conditions d’application de l’article précédent, et en particulier la responsabilité des administrateurs séquestres, administrateurs provisoires, gérants ou liquidateurs. le tarif des honoraires de gestion et de liquidation et les frais d’expertise feront l’objet d’un décret ultérieur qui déterminera également les conditions de contrôle de toutes les opérations de gestion et de

liquidation.

Aucun honoraire ne pourra être retenu lorsque les biens n’auront pas été administrés en bon père de famille.

Art. 8. — Tout administrateur séquestre, administrateur provisoire, gérant ou liquidateur des biens visés à l’article 1er doit, dans le mois de la mise en vigueur de la présente ordonnance, et par lettre recommandée avec accusé de réception, déclarer au ministère des finances (direction du blocus) les biens, droits et intérêts qui lui ont été confiés, le nom ou la raison sociale des personnes physiques ou morales à qui appartiennent ou ont appartenu ces biens, la date à laquelle il a reçu son mandat et, le cas échéant, la date à laquelle ce mandat a pris fin.

La déclaration devra contenir la liste des biens, droits et intérêts vendus ou concédés et le nom des acquéreurs. 

Art. 9. — La non-restitution sans motif légitime des biens, droits et intérêts dans le délai fixé à l’article 4 ; la non reddition de compte dans le délai imparti à l’article 6 :

le défaut de déclaration dans le délai pres crit à l’article précédent, sont passibles des peines prévues à l’article 408 du code pénal.

Art. 10. — Celui qui, postérieurement à la mise en vigueur de la présente ordonnance recouvrera ses biens sans que le procès-verbal prévu à l’article 4 ci-dessus ait été établi, sera censé renoncer à toute action en revendication ou en dommages-intérêts.

Art. 11. — Les dispositions du présent titre ne sont pas applicables aux biens, droits et intérêts visés à l’ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l’adminis

tration des domaines de certains biens mis sous séquestre.

 

TITRE II

 

Art. 12. — Lorsque, en considération des mesures de spoliation, ordonnées par l’ennemi ou résultant de la prétendu « législation » spoliatrice inspirée par lui, soit après, soit avant l’entrée en vigueur de cette législation, mais postérieurement au 16 juin 1940, des convocations de complaisance seront intervenues entre particuliers, à l’effet de transférer des biens, droits et intérêts de toutes sortes, avec ou sans réserve de droits du cédant par accord occulte entre les parties, les actes qui seront dressés pour constater la résiliation amiable de ces conventions,

ainsi que tous actes d’exécution qui en se ront le complément, seront dispensés de toute perception au profit du Trésor.

Les honoraires de tous officiers publics ou ministériels dont l’intervention serait indispensable pour rendre la restitution effective, et les salaires des conservateurs des hypothèques seront réduits de moitié.

Art. 13. — Les dispositions de l’article précédent s’appliquent dans le cas où des biens, droits et intérêts ayant été transférés avec ou sans le consentement initial du propriétaire légitime, tout cessionnaire ou sous acquéreur entend les rétrocéder à l’amiable au propriétaire dépossédé.

Art. 14. — Ne pourront bénéficier du régime de faveur édicté par les articles 12 et 13 que les actes amiables de résiliation ou de rétrocession qui interviendront avant la date légale de la cessation des hostilités. 

Art. 15. — La présente ordonnance sera publiée au Journal Officiel de la République Française et exécutée comme loi.

Ch. DE GAULLE.

Par le Gouvernement provisoire

de la République française :

Le Garde des Sceaux

Ministre de la Justice,

François DE MENTHON.

Le Ministre des Colonies,

Ministre des Finances par

intérim,

R. PLEVEN

Le Ministre de l’Economie Nationale,

Pierre MENDES-FRANCE.