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Ordonnance n° 6 juillet 1943 relative à la légitimité des actes accomplis pour la cause de la libération de la France et à la révision des condamnations intervenues pour ces faits.

Un Comité Français de la Libération Nationale,

Sur la proposition du Commsisaire à la justice, à l’Education nationale et à la Santé publique, du Commissaire à l’Intérieur et du Commissaire aux Colonies ;

Considérant qu’il importe de proclamer que les citoyens ayant exposé leur liberté, leur vie et leurs biens par des actes utiles à la cause de la libération de la France méritent que la légitimité de ces actes soit affirmée et que justice soit rendue à leurs auteurs injustement condamnés ;

Vu le décret du 1er juillet 1943 organi sant la suppléance d’un des Presidents du Comité français de la Libération Nationale ;

Vu la Libération en date du 3 juillet constatant l’absence de l’un des deux Présidents du Comité français de la Libération nationale;

ORDONNE

 Art. 1er– Sont déclarés légitimes tous actes accomplis postérieurement au 10 Juin 1940 dans le but de servir la cause de la libération de la France quand bien même ils auraient constitué des infractions au regard de la législation appliquée à l’époque.

Art. 2.– En conséquence, sont suspendues toutes poursuites exercées et seront soumi ses à révision toutes condamnations prononcées par des juridictions répressives, ci viles ou militaires, intervenues pour des faits postérieurs au 10 juin 1940 dans les af faires se rapportant soit à la reprise de la guerre par la France, soit à des faits de prise de service ou de tentative de prise de service dans les Armées françaises ou alliées, soit à des services rendus à la résistance française ou aux puissances alliées, quelle que soit la nature de l’infraction commise.

Les personnes qui se trouveraient présente ment privées de leur liberté pour des faits qui, manifestement, relèvent de l’alinéa 1er seront instatanément élargies sur l’ordre du Procureur de la République.

Art. 3. — Les dossiers seront examinés par des chambres spéciales constituées comme dit l’article 4 qui devront vérifier que les faits incriminés se rapportent exclusivement aux charges définies ci-dessus et, en cas d’af firmative, prononcer l’arrêt des poursuites ou la révision.

Art. 4.— Dans chaque ressort de cour d’appel, la chambre de révision est constituée par :

— le Premier Président de la Cour d’Appel,

— et les deux Conseillers à la Cour les plus anciens.

Les fonctions de ministère public seront remplies par le Procureur général, celles de greffier par le greffier de la Cour d’Appel.

Art. 5. — La chambre de révision peut être saisie par le Procureur Général d’office ou, dans les territoires d’outre-mer, sur l’ordre du Gouverneur général ou Gouverneur, ou du Résident général. Elle peut être également saisie par le condamné ou par son mandataire. En cas d’incapacité, de décès ou d’absence du con damné, son conjoint, ses descendants, ses ascendants ou leur mandataire, peuvent saisir directement la chambre de révision.

Les requêtes doivent être déposées au greffe de la Cour d’Appel dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la pré sente ordonnance, ou du retour du condamné sur un territoire relevant du Comité français de la Liberation Nationale.

Art. 6.–  La chambre de révision peut ordonmner, comme mesure préalable dans le cas où il n’y a pas été déjà procédé,, la suspension de l’exécution des condamnations ; elle statue au fond, sans cassation, préalable ni renvoi, après avoir procédé, le: cas échéant, à toutes mesures d’instruction propres à la manifestation de la vérité.

La chambre ne peut que, selon les cas. prononcer l’arrêt ou la continuation des poursuites, confirmer ou annuler la décision attaquée. Dans ce dernier cas. mention de l’arrêt de révision sera inscrite en marge de la minute de la décision annulée, les condamnations disparaitront du casier judiciaire et des sommiers, le montant des amen des et des frais payés sera restitué.

Les béné ficiaires de la révision seront remis dans l entière propriété de leurs biens immobiliers, nets et libres ue toutes enarges postérieures, à leurs mise sous séquestre ou à leur confis cation.

Leurs biens meubles leur seront res titués ou. à défaut, la valeur de remplacement de ces biens.

La chambre doit statuer au fond dans les trois mois du dépôt de la requête, sauf à surseoir à statuer par arrêt motivé faisant: courir un nouveau délai de trois mois à compter du jour du prononcé.

Art. 7.– L’instance devant la chammbre de révision est dispensée du ministère d’a voué.

Les frais de l’instance sont avancés par le Trésor qui en poursuivra le remboursement auprès des demandeurs qui auront suc combe.

Art. 8.–Le Commissaire à la Justice, à l’Education nationale et à la Santé publi que, le Commissaire à l’Intérieur et le Commissaire aux Colonies sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente ordonnance qui sera exécutée comme loi.

ALGER. le 6 juillet 1943.

G. De Gaulle

Par le Comité français de la Libération Nationale :

Le Commissaire à la Justice, à l’Education Nationale et à la Santé Publique .

J. ABADIE.

Le Commissaire à l’Intérieur

A. Philip.

Le Commissaire aux Colonies :

R. PLEVEN