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Décret n° du 2 mai 1939 portant règlement d’administration publique pour l’organisation de la défense contre le danger aérien dans les territoires d’outre-mer dépendant du ministère des colonies.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT

Le Président de la République française,

Sur le rapport du Ministre des colonies et des Ministres de la défense nationale et de la guerre, de la marine, de l’air, des finances et des anciens combattants et pensionnés :

Vu la loi sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre du 11 juillet 1938 et notamment les articles 6 à 12 et 65 de ladite loi:

Vu le décret du 12 novembre 1938 pris en vertu de la loi du 5 octobre 1938 et relatif à la défense passive dans la métropole:

Vu le règlement d’administration publique en date du 30 janvier 1939 fixant par application de l’article 11 de la loi du 11 juillet 1938, les conditions de recrutement, les droits et les obligations du personnel de défense passive :

Vu le décret du 22 janvier 1936, relatif à la défense des colonies :

Vu les décrets des 22 décembre 1937 et 25 mars 1938 relatifs à l’organisation des mesures de protection et de sauvegarde de la population civile dans les territoires d’outre-mer relevant du Ministre des colonies et en Indochine ;

Vu la loi du 31 mars 1919, ensemble les décrets du 20 octobre 1919 et 16 avril 1932 relatifs aux juridictions de pensions dans les colonies et aux droits à pension d’invalidité des militaires indigènes coloniaux :

Vu l’avis du Garde des sceaux, Ministre de la justice ;

Le Conseil d’Etat entendu,

DECRETE

TITRE 1er

Organisation générale de la défense contre le danger aérien,

Art. 1er. — Le Ministre des colonies, assisté du chef d’état-major général des colonies, est responsable de l’organisation de la défense active et passive contre le danger aérien dans les territoires d’outre-mer relevant de son département ; il se conforme, à cet égard, aux directives générales qui juisent données par le Ministre de la défense nationale, secondé par le chef d’état-major général de la défense nationale.

Chaque chef de territoire d’outre-mer dépendant du Ministre des colonies est chargé de l’organisation de cette même défense, conformément aux directives du Ministre des colonies, Toutefois, dans les pays groupés en gouvernements généraux, ces pouvoirs appartiennent au Gouverneur général pour l’ensemble du territoire dun gouvernement général.

Le plan de défense antiaérienne active d’un territoire fait partie intégrante du plan d’ensemble de défense de ce territoire qui est soumis à l’approbation du Ministre des colonies.

Les chefs de territoires soumettent, en outre, à l’approbation du Ministre des colonies, un plan général d’organisation de la défense passive de leur territoire et lui adressent chaque année un compte rendu de l’état de préparation de cette défense et des mesures envisagées pour l’année suivante.

Dans les points sensibles dont la défense est confiée à l’autorité iilitaire, cette autorité prépare le plan d’organisation de la defense passive et sonmet touies suggestions qu’elle juge nécessaires en cette matière,

Art, 2, -— Le commandant supérieur des troupes est chargé, par délégation permanente du Gouverneur général ou gouverneur de la colonie dans laquelle il réside, et sous son contrôle, de coordonner en tout temps les mesures de défense antiaérienne actives et passives sur les territoires soumis à cette autorité,

Il y est commandant de la défense anti-aérienne active et directeur de la défense passive,

Dans les territoires où le chef de territoire n’a pas auprès de lui un officier commandant supérieur des troupes, ces attributions sont confiées au chef de territoire qui se conforme aux directives qui lui sont données par le Ministre des colonies et utilise le concours de l’officier commandant le détachement des troupes ou les milices locales,

Art. 3 — Le commandant supérieur des troupes, commandant de la défense antiaérienne active, à autorité sur le commandant de l’air du territoire pour préparer l’entrée en jeu des forces aériennes concourant à cette défense,

Art. 4. — L’organisation de la défense passive comporte, en dehors des travaux immobiliers visés à l’article suivant :

Des mesures de sécurité (service de guet, diffusion de l’alerte, extinction des lumières, camouflage).

Des mesures de protection (mise à l’abri distribution de masques, mesures d’évacuation on de repliement, etc).

Des mesures de secours aux victimes des bombardements aériens,

Le directeur de la défense passive dans ls cadre du plan d’ensemble approuvé par le Ministre des colonies, est responsable de l’exécution de ces mesures, Il dispose, à cet effet, du concours des autorités militaires subordonnées, des autorités civiles locales et notamment municipales n ainsi que de tous les habitants, pour qui la préparation de la défense passive constitue une obligation.

Il peut, après accord du chef du territoire, déléguer tout ou partie de ses attributions de Contrôle au commandant de la marine. au commandant de l’air, au commandant d’un point d’appui ou à un autre officier.

Des officiers peuvent être désignés pour seconder, en qualité de conseillers teéchisiques, les autorités civiles locales dans la préparation et l’exécution des mesures de défense passive.

Art, 5. — Dans le cadre des instructions générales recues du Ministre des colonies et dans la limite des crédits qui Ini sont affectés, le chef de territoire est chargé de provoquere de coordonner les mesures générales où spéciales de défense passive visant à diminuer la vulnérabilité des édifices. publies et des installations diverses, commerciales où industrielles on à à usage d’habitation, Il prend notamment. toutes mesures susceptibles de diminuer, à l’occasion de constructions neuves où de grosses transformations, les dangers résultant d’attaques aériennes.

Il règle plus spécialement, en accord avec le directeur de la défense passive, les questions touchant à l’implantation des usines ou dépôts Intéressant ln défense du territoire.

Il décide, sur avis conforme de la commission prévue à Particle suivant, les Travaux immobiliers à entreprendre dans les bâtiments des services publies et, S’il y a lieu, les installations privées pour la mise à l’abri de la population.

A cet effet, tous les propriétaires, locataires ou occupants d’immeubles sont tenus, sous veine des sanctions des alinéas 1er à 4 de l’article 31 de la loi du 11 juillet 1938 de laisser procéder à la visite de leurs locaux par les officiers ou fonctionnaires chargés de la défense passive et de laisser exécuter d’office les travaux par l’administration, sans pouvoir réclamer aucune indemnité ni diminution de loyer en raison de la gêne causée par lesdits travaux.

Toutefois, les propriétaires peuvent demander à effectuer enx-mêmes ces travaux sous le contrôle de l’administration, et sauf remboursement ultérieur de ces dépenses.

Aucune modification ne peut être apportée aux immeubles ayant fait l’objet de ces travaux sans l’autorisation expresse du service de défense passive et sous peine des sanctions précédemment indiquées,

Art. 6 — Dans chaaneée territoire, une commission centrale de défense passive assiste le Chef de territoire dans la préparation de toutes les mesures intéressant la défense passive,

Elle est présidée par le directeur de la défense passive et comprend notamment des chefs des grands services du territoire ainsi que les techniciens directement intéressés à la préparation et à l’exécution des mesures concernant la défense passive.

Sa composition est arrêtée par le chef de territoire sur proposition du directeur de la défense passive.

La commission est convoquée sur l’ordre du chef de territoire ou sur l’initiative de son président.

Art. 7. — Les dépenses de défense passive dans les territoires d’outre-mer dépendant de l’autorité du Ministre des colonies sont à la charge de ces territoires.

La loi de finances fixera chaque année la mesure dans laquelle l’Etat pourra participer à ces dépenses.

Les installations et approvisionnements de matériels de défense passive réalisés par l’Etat avec le concours des territoires seront, en ce qui concerne leur entretien et leur conservation, à la charge de ces derniers sauf participation éventuelle de l’Etat. Sous réserve du droit de récupération de l’Etat, ils pourront devenir propriété desdits territoires.

Enfin, les établissements privés et les entreprises présentant un intérêt national et public, qui seront désignés par le chef de territoire, sur avis conforme de la commission de défense passive, devront assurer eux-mêmes la protection de leur personnel et matériel selon les directives et sous le contrôle du directeur de la défense passive et assurer la charge de ces dépenses, sauf contribution éventuelle allouée par 1e chef de territoire sur les crédits affectés par l’Etat à la défense passive dudit territoire.

En cas d’inexécution des mesures ordonnées par l’autorité administrative, celle-ci y fait procéder d’office aux frais des établissements visés dans le paragraphe précédent,

TITRE II

Recrutement du personnel de défense passive

Art. 8. — Pour l’exécution des mesures de défense passive prévues au présent décret, il sera adjoint dès le temps de paix aux services qui en sont directement chargés, un personnel de complément européen et assimilé ou indigène, composé notamment d’agents et d’ouvriers des services publics, d’engagés et de requis à titre civil ainsi que d’hommes appartenant à des formations militaires,

Art. 9 — Dès le temps de paix, certains agents et ouvriers des services pubies des territoires d’outre-mer, non indispensables aux besoins des armées où de ln mobilisation industrielle, à l’exclusion toutefois des Européens où assimilés de la disponibilité et de la première réserve ainsi que des indigènes utilisés pur les Ministres des colonies, de la guerre, de la marine et de l’air, peuvent recevoir une lettre d’affectation pour un service de défense passive après approbation du ministre de la défense nationale.

En outre, à dater du décret de mobilisation, tout le personnel titulaire ou auxiliaire appartenant à un service publie et en service dans un territoire d outre-mer, peut être appelé à collaborer au service de défense passive.

Les fonctionnaires, agents ou ouvriers des services publics en fonction dans les territoires d’outre-mer, rémunérés par un traitement où salaire mensuel, n’ont droit pour leur emploi au titre de la défense passive à aucune rémunération supplémentaire: ceux rémunérés pour un salaire horaire où aux pièces auront droit à une allocation calculée conformément aux dispositions de l’article 11

ci-après,

Les fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics victimes d’accidents, de blessures où de maladie au cours d’un service de défense passive à quelque titre qu’ils soient appelés à x participer, ont les mêmes droits que s’il s’agissait d’une invalidité résultant de l’exercice de leurs fonctions,

Ils conservent l’intégralité de leur traitement ou salaire jusqu’à leur rétablissement où jusqu’au jour où ils quittent le service.

Art. 10, — Les Francais on ressortissants des deux sexes, même mineurs, peuvent souscrire à titre civil, en vue de participer à la défense passive, un engagement qui prend effet à compter de sa signature: l’engagement est passé dans les conditions prévues par l’article 19 du règlement d’administration publique sur l’application de la loi du 11 juillet 1938 dans les territoires d’outre mer dépendant du ministère des colonies, Un arrêté du chef du territoire fixe les fonctions de défense passive pour lesquelles sont reçus ces engagements,

Les engagés ont droit, à moins qu’ils n’y renoncent expressément aux avantages pécupiaires prévus en faveur des requis.

Art. 11. — Peuvent être requis à titre civil, dès le temps de paix, et pourvus d’une lettre de service leur conférant une fonction de défense passive selon leurs aptitudes, les hommes visés par l’article 23 du règiement d’administration publique pour l’application de la loi du 11 juillet 1938 dans les territoires d’outre-mer dépendant du Ministre des colonies.

La réquisition est prononcée par le chef de territoire ou son délégué; elle peut avoir lieu à l’égard d’une personne déjà requise pour un autre service, sous réserve qu’il y ait cempatibilité avec l’exécution de la première réquisition.

La rémunération des requis sera proportionnelle au temps pendant lequel ils auront été distraits de leur travail ou occupation habituelle et calculée sur la base des vacations horaires ou journalières dont le montant sera fixé, pour chaque fonction occupée, par un arrèté du chef de territoire soumis à l’approbation des Ministres des colonies et des finances, I ne sern toutefois dû aueune indemnité pour les exercices et séances d’instruction en temps de paix d’une durée inférieure

à quatre heures, qui auraient lieu en dehors des heures habituelles de travail.

Les requis appartenant aux formations de iéfense passive qui auraient contracté une maladie où auraient été blessés du fait et à l’occasion de leur service de défense passive, ou leurs ayants droit en cas de décès, auront avoit à la pension d’invalidité au taux de solat résultant soit de In loi du 31 mars 1919, soit du décret du 16 avril 1932, selon es règies fixées par les articles 21 à 23 du règlement d’administration publique en date du 30 janvier 1939 fixant les droits du personnel de défense passive dans la métropole.

La décision ministérielle est susceptible de secours devant les juridictions de pensions instituées dans les territoires d’outre-mer par le décret du 2 octobre 1919.

Un arrêté pris par le Ministre des colonies, le Ministre des finances et le Ministre des anciens combattants et pensionnés, fixera les détails d’application du présent article,

Art. 12, — Des formations militaires de défense passive peuvent être constituées avec des citoyens français des deux dernières classes libérées d’obligations militaires en vertu de la loi du 31 mars 1928 et des indigènes soumis aux obligations militaires et non utilisés par les Ministres de la guerre, de la marine et de l’air.

Ces hommes recoivent à cet effet, une affectation de mobilisation et restent soumis aux obligations des lois et règlements militaires,

Ils bénéficient notamment des droits à la solde et à pension pour blessures et maladies contractées ou aggravées en service,

Ils sont tenus à la discipline militaire, Les sanctions sont prononcées par l’autorité militaire dont ils relèvent ; ils doivent, toutefois, obéissance aux chefs des services civils, à la disposition desquels ils peuvent être placés,

Titre III

Emploi du personnel de défense passive,

Art. 13. — Le personnel engagé onu requis an titre de la défense passive est tenu de participer en tout temps, de jour et de nuit, aux exercices de défense passive et aux séances d’instruction dont la durée totale ne pourra excéder soixante-douze heures par an.

La participation des formations militaires à ces exercices et séances est fixée par des instructions du directeur de la défense passive,

Art. 14, — A l’effet de vérifier l’efficacité des mesures de défense passive, des exercices pourront avoir lieu, à toute époque par décision du chef de territoire, notamment sur la proposition du directeur de la défense passive.

Quiconque refusera de se conformer aux mesures ayant pour objet des exercices de défense passive, ou s’opposera à l’exécution desdits exercices, sera justiciable des peines figurant à l’article 12 de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre,

Art. 15. — Les séances d’instruction sont organisées, conformément aux directives du directeur de la défense passive, par les autorités militaires ou administratives subordonnées et portées d’avance à la connaissance du personnel des formations de défense passive.

Elles sont obligatoires dans la limite fixée à l’article 13 ci-dessus.

En cas d’absence injustifiée, il est fait application des sanctions prévues par les articles 12 et 31 de la loi du 11 juillet 1938.

Art. 16, — Tout le personnel de défense passive, quelle que soit la catégorie à laquelle il appartient, pourra être appelé, par décision du chef de territoire, soit à la mobilisation, soit dans le cas où n été décidée pour ce territoire l’application des mesures prévues par le reglement d’administ ration k publique, pour l’application de la loi du 11 juillet 1938, dans les territoires d’out re-mer dépendant du Ministre des colonies: à partir de cette convocation, il n’est plus tenu compte de la limitation de durée prévue à l’article 13 ci-dessus.

Art, 17. — Le personnel de défense passive employé à titre civil est soumis aux autorités civiles et militaires chargées de la direction des mesures de défense passive: il est tenu d’exécuter les ordres qui lui sont adressés sous peine de sanctions prévues par l’article 11 de la loi du 11 juillet 1938.

Titre IV

Dispositions diverses.

 

Art. 18. — Les infractions aux dispositions au présent décret dans les territoires d’outre-mer relevant du Ministre des colonies sont jugées par les tribunaux français de ces territoires quel que soit le statut des auteurs de ces infractions.

Art. 19, — Sont abrogés le décret du 22 décembre 1937 relatif à l’organisation des mesures de protection et de sauvegarde de la population civile dans les territoires relevant du Ministre des colonies ainsi que le décret du 25 mai 1938 relatif à l’organisation de la protection de la population civile en Indochine.

Art. 20, — Des arrêtés des chefs de territoires fixeront les mesures de détail pour l’application du présent décret.

Art. 21. — Le Président du Conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre, le Ministre des colonies, les Ministres de la marine et de l’air, le Ministre des finances, le Ministre des anciens combattants et pensionnés sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française, aux Journaux officiels des territoires intéressés et inséré aux Bulletins officiels des ministères de la défense nationale et de la guerre et des colonies,

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de ln République :

Le Président du Conseil, Ministre

de la défense nationale et de la guerre

Edouard DALADIER,

Le Ministre des colonies.

Georges MANDEL,

Le Ministre de la marine,

C. CAMPINCHI.

Le Ministre de l’air,

Guy La CHAMBRE.

Le Ministre des finances,

Paul REYNAUD

Le Ministre des anciens combattants et pensionnés,

CHAMPETIER DE RIBES,