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Loi n° 66/AN/719/8ème L portant protection, prévention et prise en charge des femmes et enfants victimes de violence.

L'ASSEMBLEE NATIONALE A ADOPTE
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE PROMULGUE
LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

VU La Constitution du 15 septembre 1992 ;

VU La Loi constitutionnelle n°92/AN/10/6ème L portant révision de la constitution du 21 avril 2010 ;

VU La Loi n°20/AN/98/4ème L du 27 mai 1998 portant adhésion de la Convention pour l’Elimination de Toutes Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes ratifié par Djibouti, le 2 décembre 1998 ;

VU La Loi n°221/AN/17/8ème L modifiant et complétant la loi n°133/AN/05/5ème L du 28 janvier 2006 portant Code du Travail ;

VU La Loi 59/AN/94 du 5 janvier 1995 portant Code Pénal ;

VU La Loi n°60/AN/94 du 05 janvier 1995 portant Code de Procédure Pénal ;

VU La Loi n°95/AN/15/7ème L du 18 mai 2015 portant Code de protection juridique des mineurs ;

VU La Loi n°152/AN/02/4ème L du 31 janvier 2002 portant Code de la Famille ;

VU La Loi n°171/AN/17/7ème L portant organisations du Ministère de la Femme et de la Famille ;

VU Le Décret n°2019-91/PR/MTRA du 30 avril 2019 modifiant certains dispositions du décret n°83-104/PR/FP du 10/09/83 fixant le régime des congés et absences des fonctionnaires ;

VU Le Décret n°2019-095/PRE du 05 mai 2019 portant nomination du Premier Ministre ;

VU Le Décret n°2019-096/PRE du 05 mai 2019 portant nomination des membres du Gouvernement ;

VU Le Décret n°2019-116/PRE/2019 du 26 mai 2019 fixant les attributions des Ministères ;

VU La Circulaire n°023/PAN du 03/02/2020 clôturant la 1ére séance publique Session Extraordinaire de l’AN 2020 ;

Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 15/10/2019.

 

CHAPITRE I : OBJET ET CHAMP D’APPLICATION

 

Article 1 : La présente loi a pour objet de lutter contre toutes formes de violences faites aux des femmes et des enfants en République de Djibouti.

Elle vise à mettre en place les mesures susceptibles de prévenir, de protéger, de prendre en charge les victimes de violence basée sur le genre, et de poursuivre les auteurs de ces violences.

 

Article 2 : La présente loi concerne toutes les formes de discrimination et de violence subies par les femmes et les enfants fondées sur la discrimination entre les sexes, quelqu’en soient les auteurs.

 

Article 3 : Au sens de la présente loi, on entend par :

– femme : toute personne de sexe féminin de tout âge,

– enfant : toute personne de sexe masculin ou féminin, au sens du code de la protection de l’enfant,

– discrimination à l’égard des femmes : toute distinction, exclusion ou restriction qui a pour effet ou pour but de porter atteinte à la reconnaissance aux femmes, des droits de l’Homme et des libertés, sur la base de l’égalité complète et effective, dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, ou de compromettre cette reconnaissance ou la jouissance ou l’exercice de ces droits par les femmes, quelque soit la couleur, la race, la religion, la pensée, l’âge, la nationalité, les conditions économiques et sociales, l’état civil, l’état de santé, la langue ou le handicap.

– violence à l’égard des femmes : toute atteinte physique, morale, sexuelle ou économique à l’égard des femmes, basée sur une discrimination fondée sur le sexe et qui entraîne pour elles, un préjudice, une souffrance ou un dommage corporel, psychologique, sexuel ou économique et comprend également la menace de porter une telle atteinte, la pression ou la privation de droits et libertés, que ce soit dans la vie publique ou privée.

– violences à l’égard des enfants : tout acte de violence causant ou pouvant causer aux enfants un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles, psychologiques, morales, économiques et culturelles y compris la menace de tels actes, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ;

– violence domestique : lors qu’une personne exerce ou menace d’exercer une violence physique, psychique ou sexuelle au sein d’une relation familiale, conjugale ou maritale en cours ou dissoute.

– violences culturelles : toute pratique néfaste et dégradante à l’égard des femmes et des filles tirant leur justification dans les coutumes, traditions

– Agressions sexuelles : toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace, sur une femme ou une fille,

– violences économiques : le fait d’user de ses moyens pour ralentir ou empêcher l’épanouissement économique ou financier de toute personne ou le fait d’empêcher toute personne de jouir de ses droits socio-économiques ;

– violences morales et psychologiques : tout comportement, propos et attitude qui portent atteinte à la personnalité de la femme ou de la fille, à son image, à l’estime de soi et à son équilibre intérieur ;

– violences patrimoniales : tout acte ou négligence affectant la survie de la victime et consistant à transformer, soustraire, détruire, retenir ou détourner des objets, documents, biens et valeurs, droits patrimoniaux ou ressources économiques destinées à couvrir ses besoins et pouvant s’étendre aux dommages causés aux biens communs ou propres à la victime

– violences physiques : tout acte ou tout comportement qui porte atteinte à l’intégrité physique de la femme ou de la fille ;

 

Chapitre II : De la prévention et la protection des violences à l’égard des femmes et des enfants

 

Article 4 : L’Etat s’engage selon les moyens disponibles à mettre en place des politiques et des stratégies nationales, des programmes sectoriels, de prendre toutes les mesures nécessaires dans le but d’éliminer toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des enfants dans l’espace familial, l’environnement social, le milieu éducatif, de formation professionnelle, sanitaire, culturel, sportif et médiatique.

 

Article 5 : L’Etat s’engage selon les moyens disponibles à prendre en charge les femmes et les enfants victimes de violence qui résident avec elle.

L’Etat s’engage à reconnaître la qualité de victime à la femme et aux enfants qui résident avec elle qui ont subi la violence, de respecter la volonté de la victime de prendre la décision qui lui importe, de respecter et garantir le secret de la vie privée et des données à caractère personnel de la victime, de fournir le conseil juridique aux victimes des violences et leur accorder l’aide judiciaire.

 

Article 6 : Les départements ministériels et autres institutions publiques concernées doivent prendre toute les mesures nécessaires pour prévenir et lutter contre la violence à l’égard des femmes et des enfants. Ils doivent selon leur domaine de compétence entreprendre notamment les actions suivantes :

l’élaboration d’une politique de formation spécifique en matière d’égalité femme/homme et de lutte contre les violences à l’encontre des femmes, et des enfants dans le but de s’assurer qu’il acquiert les connaissances et les techniques nécessaires afin de les aider à traiter les questions de violence dans l’espace éducatif, et de s’assurer de :

– la détection précoce de la violence dans le cadre familial, spécialement-envers les enfants ;

– l’éducation pour la prévention des conflits et pour la résolution pacifique-de ceux-ci, dans tous les cadres de la vie personnelle, familiale et sociale ;

– l’organisation de sessions de formation spécifiques dans les domaines des droits de l’Homme, des droits de la femme, de sa protection et de lutte contre la violence à son encontre, et ce, au profit des fonctionnaires opérant dans ces domaines ;

– la prise de toutes les mesures nécessaires en vue de lutter contre l’abandon scolaire précoce, notamment chez les filles dans toutes les régions,

– la création de cellules d’écoute, de bureaux d’action sociale en coopération avec les parties intéressées,

– la diffusion et la consolidation de la culture de l’éducation aux droits de l’Homme auprès de la culture auprès des jeunes générations.

 

Article 7 : La femme et les enfants victime de violence et les enfants qui résident avec elle, bénéficient de protections. Pour cela elles bénéficient de :

– la protection juridique appropriée à la nature de la violence exercée à son encontre,

– l’accès à l’information et le conseil juridique concernant les dispositions régissant les procédures judiciaires et les services disponibles,

– l’aide judiciaire,

– la réparation équitable pour les victimes de la violence,

– le suivi sanitaire et psychologique, l’accompagnement social approprié et le cas échéant, le bénéfice de la prise en charge publique et associative, y compris l’écoute,

– l’hébergement immédiat dans la limite des moyens disponibles.

 

CHAPITRE III : DES STRUCTURES DE PROTECTION ET D’ASSISTANCE

 

Article 8 : Un fonds d’appui à la prise en charge des femmes et des filles victimes de violences est créé en vue d’assurer la viabilité financière des mesures et structures de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences.

 

Article 9 : Le financement du fonds d’appui est assuré par le budget de l’Etat ainsi que des dotations. Les modalités de mise en œuvre du fonds d’appui ainsi que son fonctionnement, sont définis par décret pris en Conseil des ministres sur proposition du Ministre de la Femme et de la Famille.

 

Article 10 : L’Etat veille à la création de Centres de Prise en Charge Intégrés et en garantit le libre accès aux femmes et aux enfants victimes de violences.

Ces centres accueillent en urgence les victimes, leur offrent la sécurité, leur assurent des services d’appui complets, notamment une prise en charge médicale leur permettant de bénéficier de soins de santé complets et gratuits, un accompagnement psycho-social et éventuellement une orientation vers les instances judiciaires.

 

Article 11 : Les centres de prise en charge intégrés exécutent en outre, dans les limites de leurs attributions et compétences, les mesures urgentes protectrices prononcées par les juridictions compétentes.

L’organisation et le fonctionnement de ces cellules sont fixés par décret d’application.

 

Article 12 : L’Etat met en place des cellules d’écoute et d’accompagnement de proximité en faveur des femmes et des enfants exposées aux violences.

 

Article 13 : L’Etat facilite et renforce l’accès à ces centres, cellules ainsi que tous autres services sociaux et structures décentralisées intervenant dans la lutte et la prise en charge des victimes de violences.

L’organisation et le fonctionnement de ces cellules sont fixés par décret d’application.

 

Article 14 : Les femmes victimes de violences particulièrement les filles menacées de mariage forcé ou arrangé, les filles abusées sexuellement, sont prioritaires dans les centres d’accueil.

 

Article 15 : Les enfants mineurs qui se trouvent sous la garde et la surveillance de la personne agressée, ont également droit à une aide sociale globale par l’intermédiaire de ces services sociaux.

 

Article 16 : Peuvent également créer des structures d’accueil à l’image de celles de l’Etat, les organisations de défense des droits humains, les autorités coutumières et religieuses.

Ces structures peuvent bénéficier de l’appui de l’Etat.

L’organisation et le fonctionnement de ces cellules sont fixés par décret d’application.

 

CHAPITRE IV : DISPOSITIONS FINALES

 

Article 17 : La présente loi abroge toutes les dispositions antérieures contraires.

 

Article 18 : La présente loi sera publiée dès sa promulgation et exécutés partout où besoin sera.

Le Président de la République,

chef du Gouvernement

ISMAÏL OMAR GUELLEH