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Loi n° 75/AN/20/8ème L portant création du Fonds Souverain de Djibouti.

L'ASSEMBLEE NATIONALE A ADOPTE
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE PROMULGUE
LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

VU La Constitution du 15 septembre 1992 ;

VU La Loi Constitutionnelle n°134/AN/06/5ème L du 02 février 2006 portant révision de la Constitution ;

VU La Loi Constitutionnelle n°215/AN/08/5ème L du 19 janvier 2008 portant révision de la Constitution ;

VU La Loi Constitutionnelle n°92/AN/10/6ème L du 21 avril 2010 portant révision de la Constitution ;

VU La Loi n°160/AN/12/6ème L portant réorganisation du Ministère de l’Économie et des Finances en charge de l’Industrie et de la Planification ;

VU La Loi n°58/AN/14/7ème L du 06 décembre 2014 portant adoption de la “Vision Djibouti 2035” et ses Plans d’actions opérationnels ;

VU La Loi n°143/AN/16/7ème L du 5 avril 2016 portant Code de la Bonne Gouvernance ;

VU La Loi n°55/AN/19/8ème L du 23 juillet 2019 portant Régime Juridique des Entreprises Publiques ;

VU La Loi n°212/AN/07/5ème L portant création de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (C.N.S.S.) et ses décrets d’application ;

VU Le Décret n°2015-290/PR/MEFCI du 24 octobre 2015 portant adoption du Plan National de Développement SCAPE ;

VU Le Décret n°2019-095/PRE du 05 mai 2019 portant nomination du Premier Ministre ;

VU Le Décret n°2019-096/PRE du 05 mai 2019 portant nomination des membres du Gouvernement ;

VU Le Décret n°2019-116/PRE du 26 mai 2019 fixant les attributions des Ministères;

VU La Circulaire n°076/PAN du 05/03/2020 portant convocation de la première séance publique de la 1ère Session Ordinaire de 2020.

Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 07/01/2020.

CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

 

Article 1er : Définitions

“Actifs” signifie actifs réels (patrimoine immobilier, terres, concessions et permis miniers, etc.) ou actifs financiers (actions et autres titres financiers, etc.).

“Conseil” signifie Conseil d’Administration du FSD.

“Fonds générationnel” signifie fonds pour les générations futures.

“FSD” désigne le Fonds Souverain de Djibouti institué par la présente loi.

“Principes de Santiago” signifie les principes et pratiques généralement acceptés relatifs aux fonds souverains définis initialement par un groupe de travail du Fonds monétaire international en 2008 à Santiago du Chili, tels qu’à tout moment modifiés ou amendés.

“Secteur Autorisé” signifie tout secteur autre qu’un Secteur Interdit.

“Secteurs Interdits” signifie les secteurs des jeux d’argent, de la production et de la commercialisation d’armes de guerre et de matériels militaires, de la production, l’achat ou la revente de boissons alcoolisées et des produits du tabac et de tout secteur pénalement réprimé par la législation de la République de Djibouti.

“Secteurs Prioritaires” signifie les secteurs en lien avec les nouvelles technologies, les services financiers, la logistique, l’industrie, l’énergie, les infrastructures, l’immobilier, le tourisme, la santé, l’agriculture, la pêche et les activités minières.

“Statuts” signifie les statuts du FSD approuvés par décret.

 

CHAPITRE II : CREATION ET COMPETENCES DU FSD

 

Article 2 : Création du FSD

Le Fonds Souverain de Djibouti, qui est également désigné par la dénomination abrégée FSD, est institué par la présente loi.

Le FSD est un fonds d’investissement national et d’épargne intergénérationnelle investissant dans des projets ayant un impact positif sur l’économie et sur la gestion à long terme des réserves financières pour les générations futures.

Il est créé sous la forme d’une société anonyme de droit privé, soumise aux dispositions du Code général des impôts, dont l’État est et demeurera l’unique actionnaire. Il est placé sous la tutelle directe de la Présidence de la République de Djibouti.

 

Article 3 : Compétences

Le FSD administre les actifs dont la propriété lui est transférée par la présente loi ou par tout texte législatif ou réglementaire ultérieur et est habilité à agir comme gestionnaire des actifs dont la gestion lui est confiée par un contrat de mandat de gestion conformément à la présente loi ou à tout texte législatif ou réglementaire ultérieur.

 

Le FSD peut être chargé par l’État, conformément aux prescriptions de tout texte législatif ou réglementaire applicable, de la mission de gestion de certaines participations que l’État actionnaire détient dans des entreprises ou organismes contrôlés, majoritaires ou non, directement ou indirectement et dont la liste est établie par décret. Le FSD exerce sa mission en veillant aux intérêts patrimoniaux de l’État.

 

Les règles d’organisation et de fonctionnement du FSD sont fixées par la présente loi, par les statuts du FSD qui sont adoptés et homologués par décret et par son règlement intérieur.

 

CHAPITRE III : MISSIONS ET OBJECTIFS DU FSD

 

Article 4 : Missions Le FSD a pour missions :

(i) d’investir dans le tissu économique de la République de Djibouti au travers d’investissements dans des projets à fort potentiel de création d’emplois ;

(ii) deco-investir avec des investisseurs nationaux et internationaux dans des projets en étant le partenaire local crédible que recherchent les investisseurs ;

(iii) de constituer en pleine propriété un portefeuille d’actifs dont il assure la gestion, la fructification et la pérennisation en vue de générer des ressources destinées aux générations futures ; et

(iv) d’assurer la gestion des ressources qui lui sont confiées au travers de contrats de mandat de gestion en contrepartie d’une rémunération de marché.

 

Article 5 : Objectifs

Le FSD a pour objectifs :

(i) le développement et la croissance économique de la République de Djibouti ainsi que la création de richesses au bénéfice de générations futures ;

(ii) le développement de projets d’investissement en premier lieu dans des Secteurs Prioritaires puis en second lieu dans tout autre Secteur Autorisé ;

(iii) le développement de projets soutenant une croissance durable et la mise en œuvre de la transition écologique et énergétique ;

(iv) d’attirer des investisseurs nationaux et internationaux ; et

(v) plus généralement, d’assurer le rendement optimal des actifs qui lui sont transférés en pleine propriété ou en tant que mandataire dans le respect de sa politique d’investissement tout en contribuant au développement de la République de Djibouti et à la constitution de réserves financières importantes pour les générations futures.

 

CHAPITRE IV : DOCTRINE D’INVESTISSEMENT ET RESSOURCES DU FSD

 

Article 6 : Thèse d’investissement

Le FSD est autorisé à détenir et à investir dans tout actif en capital dans des sociétés cotées ou non cotées, tout actif représenté par des biens immatériels notamment de propriété intellectuelle, tout actif immobilier, toute participation dans des fonds d’investissement ou des fonds de capital-risque et à émettre et souscrire tout type de prêts ou d’instruments de dette.

Le FSD se focalise sur des investissements à moyen et long terme dans les Secteurs Autorisés.

Le FSD peut acquérir des participations minoritaires et majoritaires dans tout Secteur Autorisé sous réserve du respect des dispositions législatives ou réglementaires applicables.

Les investissements du FSD ciblent prioritairement la République de Djibouti et les pays ayant un lien économique avec la République de Djibouti.

Le FSD adopte les meilleures règles prudentielles en matière d’investissement et de gestion des risques.

 

Article 7 : Ressources initiales

Lés ressources initiales du FSD sont constituées par :

(i) le transfert des participations suivantes de l’État dans le capital des sociétés visées ci-après dans les trois (3) mois suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi et conformément aux modalités qui sont fixées par décret :

a) quarante (40) pour-cent des actions de la société Great Horn Investment Holding ;

b) la totalité des actions de la société Djibouti Télécom détenues par l’État ; et

c) la totalité des actions de la Société de Gestion de la Jetée du Terminal Pétrolier de Doraleh détenues par l’État ; étant précisé que le produit de toute cession des participations susvisées de l’État sera versé en totalité au FSD, à la date à laquelle ladite cession est réalisée ;

(ii) une dotation monétaire d’un montant entre quinze milliards (15 000 000 000) Francs Djibouti et trente milliards (30 000 000 000) Francs Djibouti dont les modalités sont fixées par décret ; et

(iii) dès que le cadre légal nécessaire aura été adopté, transfert de la totalité des titres au capital de la société qui viendra aux droits de l’établissement public Électricité de Djibouti.

 

Article 8 : Ressources annuelles et récurrentes

Les ressources annuelles du FSD sont constituées de :

(i) au plus tard le 31 mars de chaque année à compter de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, une dotation égale à vingt (20) pour-cent des revenus issus des contrats de coopération militaire perçus par l’État au titre de l’année précédente ;

(ii) au plus tard le 31 mars de chaque année à compter de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, une dotation issue des prélèvements effectués dans le cadre des zones franches au titre de l’année précédente ;

(iii) au plus tard le 31 mars de chaque année à compter de l’année en cours à la date de mise en service du gazoduc, une dotation issue de la redevance variable due au titre de l’accord de développement portant sur la réalisation et l’exploitation du gazoduc Éthiopie-Djibouti au titre de l’année précédente;

(iv) au plus tard le 31 mars de chaque année à compter de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, une dotation provenant de la rémunération de marché prévue dans le contrat de mandat de gestion à conclure conformément à l’Article 10 de la présente loi entre le FSD et la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale au titre de l’année précédente ;

(v) au plus tard le 31 mars de chaque aimée à compter de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, une dotation issue de la plus-value réalisée par la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale dans le cadre du contrat de mandat de gestion à conclure conformément à l’Article 9 de la présente loi au titre de l’année précédente ; et

(vi) au plus tard le 31 mars de chaque année à compter de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, la dotation égale à la rémunération de marché prévue dans tout contrat de mandat conclu entre le FSD et l’État au titre de l’année précédente.

Les modalités de transfert des ressources annuelles du FSD sont fixées par décret pris en conseil des ministres.

 

Article 9 : Ressources alternatives et futures

Selon les modalités fixées par décret, les ressources récurrentes du FSD sont constituées par la dotation de cinquante (50) pour-cent du produit de toute cession future d’un bien foncier appartenant à l’État.

 

Article 10 : Gestion d’actifs de la GNSS

Dans les trois (3) mois suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi et dès l’entrée en vigueur du contrat de mandat de gestion conclu entre le FSD et la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale et homologué par un arrêté pris en conseil des ministres, le FSD sera chargé, conformément au dit contrat de mandat de gestion, d’effectuer une mission de gestion pour compte de tiers d’un portefeuille doté de :

(i) soixante (60) pour-cent des montants correspondant aux réserves techniques ; et

(ii) annuellement, au titre de chaque année à compter de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, trente-trois (33) pour-cent des excédents annuels de trésorerie.

 

Article 11 : Dotation au budget de l’État par le FSD

Le FSD réinvestit la totalité du résultat net de l’activité conformément aux principes susvisés. Toutefois, par dérogation au principe énoncé ci-dessus, le FSD peut, chaque année, sur demande de l’État, verser à l’État, une fraction de son résultat net après acquittement de l’impôt sur les sociétés et autres contributions obligatoires, dans la limite de dix (10) pour-cent par an.

 

CHAPITRE V : DE l’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DU FSD

 

Article 12 : Gouvernance

Lé FSD adopte et met en œuvre les meilleurs pratiques en matière d’indépendance et de responsabilité de ses organes de gestion, de gouvernance d’entreprise, de transparence et de rapport de performance en conformité avec la présente loi, les Principes de Santiago et d’autres principes similaires adoptés comme meilleures pratiques.

 

Article 13 : Composition du conseil d’administration

Le conseil d’administration du FSD est composé de huit (8) membres, dont un (1) président, qui sont nommés par décret du Président de la République selon les modalités suivantes :

(i) un (1) administrateur agissant également en qualité de président du conseil d’administration avec une voix prépondérante sur proposition du Président de la République ;

(ii) un (1) administrateur sur proposition du Ministre de l’Économie et des Finances chargé de l’Industrie ;

(iii) un (1) administrateur sur proposition du Ministère du Budget;

(iv) un (1) administrateur sur proposition du Gouverneur de la Banque Centrale de Djibouti ;

(v) un (1) administrateur sur proposition du Président de la société Great Horn Investment Holding ; et

(vi) trois (3) administrateurs indépendants qualifiés choisis en raison de leur compétence en matière économique et financière tel que spécifiés dans les statuts et le règlement intérieur du Conseil d’administration sur proposition du Président de la République.

 

Article 14 : Rôle du conseil d’administration

Le conseil d’administration dispose des pouvoirs les plus étendus aux fins d’administrer le FSD. Il est notamment compétent sur les sujets suivants, pour lesquels aucune décision ne pourra être prise sans son autorisation préalable :

(i) définition de la stratégie globale du FSD et de sa thèse d’investissement ;

(ii) nomination des membres du comité d’investissement, à l’exception du membre nommé par le Gouverneur de la Banque Centrale de Djibouti, ainsi que l’évaluation de la performance et la supervision des travaux du comité d’investissement ;

(iii) approbation de la structure organisationnelle, des règles de gestion et de fonctionnement du FSD ;

(iv) approbation des décisions du directeur général devant être approuvées par le conseil d’administration conformément à la loi et aux statuts du FSD ;

(v) approbation des rapports d’activités trimestriels du FSD ;

(vi) approbation du budget annuel du FSD ;

(vii) établissement du rapport de gestion, des comptes sociaux, des comptes consolidés le cas échéant et approbation du rapport annuel ;

(viii) proposition d’affectation des résultats ;

(ix) approbation de tout investissement ou sortie supérieur au seuil fixé dans les statuts, qui aura été préalablement proposé par le comité d’investissement ; et adoption et modification du règlement intérieur du conseil d’administration du FSD.

 

Article 15 : Fonctionnement du conseil d’administration

Le conseil d’administration se réunit aussi souvent que l’intérêt du FSD l’exige et au minimum une (1) fois tous les deux (2) mois.

Les décisions sont prises à la majorité des membres présents ou représentés. En cas de partage la voix du président du conseil d’administration est prépondérante.

 

Article 16 : Président du conseil d’administration

Le président du conseil d’administration est notamment chargé de convoquer le conseil et de diriger les débats.

Il exerce ses fonctions pendant toute la durée de son mandat d’administrateur qui pourra être renouvelé.

 

Article 17 : Un Directeur général est placé à la tête du FSD. Il est nommé par le Président de la République sur proposition du Conseil d’administration pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. Avec approbation du Président de la République, il peut être révoqué en cours de mandat en cas de faute lourde ou de mauvaise gestion ou de performances non satisfaisantes, et ce, sans préjudice de poursuites pénales ou disciplinaires qu’il peut encourir.

 

Article 18 : Comité d’investissement

Un comité d’investissement indépendant dont l’organisation, le fonctionnement et. la composition sont précisées dans les statuts et le règlement intérieur du comité d’investissement est institué au sein du FSD.

Il est précisé qu’un membre du comité d’investissement sera nommé par le Gouverneur de la Banque Centrale de Djibouti.

Le comité d’investissement statue sur toutes les opportunités d’investissement ou de sorties à réaliser sur la base des analyses de l’équipe de gestion et présente au cqnseil d’administration les opportunités d’investissement ou de sorties à réaliser lorsque celles-ci dépassent le seuil fixé dans les statuts.

 

Article 19 : Comités d’audit

Un comité d’audit interne rattaché au conseil d’administration, dont l’organisation, le fonctionnement et la composition sont précisées dans le règlement intérieur du comité d’audit est institué au sein du FSD.

Un comité d’audit externe indépendant placé sous le contrôle de l’inspecteur général de l’État de la République de Djibouti dont l’organisation, le fonctionnement et la composition sont précisées dans le règlement intérieur du comité d’audit est institué.

 

Article 20 : Assemblée générale

Les décisions de l’associé unique du FSD sont prises par décret en conseil des ministres.

 

Article 21 : Personnel étranger ou impatrié du FSD

Le personnel étranger ou impatrié du FSD aura le bénéfice d’un statut dérogatoire au droit commun en ce qui concerne les obligations fiscales et sociales durant l’exercice de leurs fonctions: La dérogation visée par le présent article sera précisée par décret.

 

CHAPITRE VI : DISPOSITIONS FINALES

 

Article 22 : Réglementation applicable

La présente loi contient l’ensemble des principes relatifs à la gouvernance, l’organisation et le fonctionnement du FSD et, à cet égard, prévaut sur toutes autres dispositions législatives contraires.

Les contrats conclus par le FSD sont soumis au régime des contrats de droit privé et ne sont en conséquence pas soumis à la législation et à la règlementation applicable aux marchés publics.

L’allocation des ressources initiales au FSD, conformément à l’article 7 de la présente loi, n’est pas soumise aux dispositions légales et réglementaires relatives à l’évaluation des apports en nature par les commissaires aux apports, en ce compris celles des articles L.315-5 et L.315-115 du Code de commerce. Chacune des ressources initiales visées à l’article 7 de la présente loi est apportée au FSD à la valeur nominale des actions des sociétés la composant. Leur éventuelle cession ne donnera pas lieu à toute imposition sur les plus-values qui en résulteraient, et ce par dérogation aux dispositions légales et réglementaires relatives à l’impôt sur les plus- values, en ce compris celles des articles 63 à 68 du Code général des impôts.

 

Article 23 : Publication La présente Loi est publiée dès sa promulgation.

Le Président de la République,

chef du Gouvernement

ISMAÏL OMAR GUELLEH